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[Critique] DON’T WORRY, HE WON’T GET FAR ON FOOT

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] DON’T WORRY, HE WON’T GET FAR ON FOOT

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Titre original : Don’t Worry, He Won’t Get Far On Foot

Note:

★
★
★
★
½

Origine : États-Unis
Réalisateur : Gus Van Sant
Distribution : Joaquin Phoenix, Rooney Mara, Jonah Hill, Jack Black, Beth Ditto, Carrie Brownstein, Kim Gordon, Christopher Thornton…
Genre : Biopic/Drame/Adaptation
Date de sortie : 4 avril 2018

Le Pitch :
Alcoolique au dernier degré, John Callahan aime faire la fête. Et c’est d’ailleurs au terme d’une énième nuit de beuverie qu’il est victime d’un accident de voiture qui le laisse paralysé. Cloué sur un fauteuil roulant, il continue pourtant à boire abondement. Jusqu’à ce jour où une révélation le touche de plein fouet. John décide alors de reprendre sa vie en main. Il se remet notamment à dessiner, produisant des vignettes caustiques dont le succès auprès des grands journaux se fait de plus en plus important. Histoire vraie…

La Critique de Don’t Worry, He Won’t Get Far On Foot :

C’est Robin Williams qui eut le premier l’idée de développer un film d’après l’autobiographie du dessinateur John Callahan. Williams qui avait acheté les droits du livre et qui comptait le produire, interpréter le rôle principal et confier la mise en scène à Gus Van Sant, qui l’avait dirigé dans l’acclamé Will Hunting. Mais, le film ne vit jamais le jour… Pourtant, l’idée resta dans l’esprit de Gus Van Sant. Des années après le décès de Robin Williams, le biopic de John Callahan parvint à entrer en production, avec Joaquin Phoenix dans le rôle titre. L’histoire d’un homme complexe, abandonné à la naissance, alcoolique à 13 ans, qui s’est ensuite réinventé totalement, devenant l’un des dessinateurs de cartoons humoristiques les plus appréciés. Un homme brisé par un terrible accident de la route, forcé de faire face à ses démons, et aujourd’hui protagoniste principal du nouveau Gus Van Sant qui en a tiré une œuvre touchante sur la rédemption…

Dont-worry-he-wont-get-far-on-foot-Rooney-Mara

Redemption song

Don’t Worry, He Won’t Get Far On Foot (Pas d’inquiétude, il n’ira pas loin à pied) s’inscrit à la croisée des chemins des films plus expérimentaux de Van Sant et de ses œuvres davantage conventionnelles. Cinéaste passionnant de part sa faculté à justement se faire insaisissable, jamais vraiment là où on l’attend, Van Sant a choisi ici de mettre sa mise en scène au service d’une histoire et de s’effacer au profit de cette dernière, la servant en faisant preuve d’une pertinence de tous les instants et d’une maestria visible dans cette capacité à parfaitement diriger les acteurs et en adoptant certains des codes propres au documentaire, tout en optant pour une narration éclatée. Éclatée mais parfaitement limpide, à tel point qu’une voix off ou tout autre stratagème parfois censé mâcher le travail au spectateur, s’avère parfaitement inutile. Narration qui s’articule autour des séances de thérapie de groupe durant lesquelles John Callahan, le personnage incarné par Joaquin Phoenix, se raconte, tente d’expliquer son alcoolisme, relate son passé et se force dans un premier temps à accepter son avenir. Très près de ses personnages, à hauteur de celui qui sert de pivot à cette histoire traversée par des âmes cabossées, la caméra de Van Sant saisit l’indicible et s’arrange pour traduire une réalité parfois difficile sans faire preuve de complaisance. Au final, Don’t Worry, He Won’t Get Far On Foot ne ressemble pas à un biopic classique. Pas au sens hollywoodien du terme en tout cas. Il s’agit plutôt un film relativement conforme à l’idée qu’on peut s’en faire quand on connaît un peu le réalisateur, sans que ce dernier ne se montre pour autant trop prévisible dans son approche du sujet, bâti autour de la personnalité passionnante de John Callahan. Un homme plus fort qu’il ne l’a jamais pensé, talentueux, caustique et attachant.

Dirty Callahan

De tous les plans ou presque, Joaquin Phoenix n’a pas dérogé à la règle qui est la sienne depuis ses débuts. Pour incarner John Callahan, il ne s’est pas contenté de l’interpréter. Non, il a préféré devenir Callahan. Lui rendre hommage à lui et à ses combats. À son art aussi. À ce sujet, il convient de saluer le choix de Van Sant d’avoir transformé en petits dessins-animés certains des dessins de Callahan. Un stratagème malin, remarquablement mis en image, qui sert l’histoire de bien des façons, là encore dans un soucis de croquer du mieux possible l’essence de Callahan. Callahan donc, revit grâce à un Phoenix impeccable, dont la performance ne tombe jamais dans le misérabilisme. Malgré les nombreuses épreuves que Callahan doit traverser, malgré la paralysie, malgré l’alcoolisme, malgré le caractère pathétique de certaines situations, Phoenix, avec toute la sensibilité et la pertinence caractérisant son approche du métier d’acteur, va au bout des choses mais ne tombe pas dans la facilité ou l’excès. Remarquablement entouré d’une galerie de seconds rôles (parfaite Beth Ditto, du groupe Gossip, excellente Kim Gordon de Sonic Youth), Joaquin Phoenix incarne les valeurs d’une histoire également nourrie par l’investissement de Jonah Hill, Rooney Mara et Jack Black. Hill dont la présence ici peut de prime abord sembler curieuse mais dont la performance prouve bien à quel point il est doué. Métamorphosé, il campe un personnage un peu opaque avec une sincérité désarmante. Jack Black lui, évolue dans un registre plus attendu. Au début en tout cas car lui aussi se met à nu. Et tant pis si l’expression peut paraître galvaudée. Enfin, Rooney Mara, lunaire, lumineuse, porteuse de cette merveilleuse mélancolie tout entière présente dans ses grands yeux, incarne le salut avec une bienveillance pénétrante face à laquelle on ne peut pas rester indifférent. Autour d’un Joaquin Phoenix habité, tous ces acteurs incarnent les différents aspects d’un récit fait de rires et de larmes, portant sur la résilience et sur cette étincelle parfois suffisamment puissante et persistante pour raviver des flammes que l’on croyait éteintes.
Véritable tragédie ? Authentique success story ? Comédie arty ? Tranche de vie ? Drame existentiel ? Don’t Worry, He Won’t Get Far On Foot est tout cela à fois. Ou pas. On peut aussi voir ce formidable film comme l’expression d’une passion. Passion pour la vie, pour l’art, pour les autres. Cette passion qui consume autant qu’elle peut forcer à avancer malgré les obstacles. Leçon de vie ? Quoi qu’il en soit, même si Gus Van Sant prend des chemins détournés, c’est en effet bel et bien le cas…

En Bref…
Film touchant, parfois drôle, jamais plombant, parfaitement incarné par des acteurs au diapason, dont l’alchimie et la faculté à comprendre les personnages sert magnifiquement le propos global, Don’t Worry, He Won’t Get Far On Foot s’inscrit comme l’une des plus belles réussites de Gus Van Sant. Une œuvre qui constitue en outre une porte d’entrée parfaite sur l’univers du trop méconnu et regretté John Callahan…

@ Gilles Rolland

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   Crédits photos : Metropolitan FilmExport


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