J’ai enfin eu l’occasion de voir le film de Philippe Van Leeuw (chef opérateur belge basé à Paris, également réalisateur de Dieu est parti en voyage), sorti en septembre 2017.
Dans un appartement d’une ville en guerre, une famille vit enfermée. Ils ne peuvent sortir que la nuit pour échapper aux snipers terrés dans le quartier. On ne perçoit la guerre que par les bruits de bombardements, de balles sifflantes, de cris et par les quelques vues furtives de la rue dévastée. L’immeuble est vide à part cette famille qui a recueilli les voisins du dessus par solidarité. Ces derniers s’apprêtent à fuir à l’étranger avec leur bébé grâce à un passeur, mais le mari se fait abattre par un sniper le matin même de leur départ. Oum, la mère de famille, décide de cacher le drame à Halima, la jeune maman, car il est impossible d’aller récupérer le corps avant la nuit.
C’est un huis-clos qui se déroule comme une tragédie grecque sur une journée de temps. Mais la caméra de Philippe Van Leeuw est suffisamment mobile dans ce lieu fermé pour ne pas faire penser à du théâtre filmé. Durant cette journée, la violence extérieure va faire irruption, et de terrible manière, dans cet appartement pourtant bien protégé.
Rien que pour le fait de percevoir – à peine, car on est bien installé dans son fauteuil de cinéma, bien à l’abri – la réalité de la guerre, le manque d’eau, les pannes d’électricité, l’incertitude permanente, le bruit, la peur qui vous colle au ventre, le désenchantement, ce film en vaut la peine. Il vaut aussi par la performance des deux actrices principales, Hiam Abbass (Oum) et Diamond Bou Abboud (Halima), l’une en femme de tête, mère-courage obstinée, l’autre en jeune femme dont l’espoir va voler en éclats tout au long de cette journée. Elles sont accompagnées par des personnages secondaires intéressants, le grand-père revenu de tout mais qui sourit encore grâce à son petit-fils, la servante elle-même sans nouvelle de son fils, sans oublier les enfants. J’aurais aimé les accompagner encore plus peut-être pour partager leur quotidien.
Impossible en sortant de la séance de ne pas penser à ces visages de réfugiés, venus de Syrie ou d’ailleurs, ni à ces atroces images récentes de femmes, d’hommes et d’enfants victimes d’attaques au chlore… Le film ne milite absolument pas pour un camp ou l’autre. Il montre la réalité de la guerre. Il montre les choix auxquels sont confrontés ceux qui la vivent au quotidien. Il dit la force et la fragilité des femmes. Et nous laisse avec des questions effrayantes.