Quatrième de couverture :
Un chien perdu court le long d’une autoroute. Six témoins s’arrêtent. Un camionneur qui trompe sa solitude en s’inventant une autre vie ; un prêtre touché par l’amour ; une femme face à une rupture ; un jeune homosexuel en quête d’une raison de vivre ; une mère veuve et sa fille, isolées dans leur peine. Chacun verra dans cet incident le reflet de son drame intime. Comme si, dans toute vie il devait y avoir un « jour du chien », qui serait celui d’une révélation. (Pierre Mertens)
J’ai hésité sur le choix du titre de Caroline Lamarche que je lirais pour ce rendez-vous. J’avais déjà deux titres dans la PAL et finalement je me suis décidée à lire celui qui est peut-être le plus connu, Le Jour du chien, deuxième roman de l’auteur qui lui a valu le Prix Rossel en 1996. J’ai initié ce rendez-vous pour un peu m’obliger à enfin découvrir cette plume et… je ne suis pas totalement comblée.
Le point de départ est intéressant (bien qu’assez insignifiant, un chien qui court sur l’autoroute). On pourrait aussi croire à des chapitres bien marqués tels des nouvelles, vu la diversité des personnages et le peu de liens concrets qu’ils entretiennent devant ce chien perdu, abandonné. Outre le fait de voir leur parole libérée par l’incident, les six personnages partagent le fait d’avoir eux-mêmes vécu une expérience d’abandon. Caroline Lamarche tisse donc pour chacun d’eux un texte nourri d’échos, de liens internes, un texte dense qui pousse l’introspection psychologique assez loin. Cela ‘a un peu perdu parfois, je l’avoue…
Un autre aspect vraiment intelligent du roman, c’est la capacité de Caroline Lamarche à se glisser dans la peau de personnages vraiment différents et à explorer à travers eux des registres d’écriture variés, passant de l’érotique au mystique ou d’un prêtre à une fille boulimique.
Ce roman est intéressant par son intelligence mais il m’a manqué de l’émotion pour vraiment m’accrocher à cette histoire. Je le regrette un peu mais j’ai encore d’autres titres de l’auteur pour explorer son univers littéraire.
La première page (Histoire d’un camionneur) :
« Ils ont dû être contents d’avoir une lettre de camionneur, au Journal des Familles. Ce n’est pas souvent que ça doit leur arriver. J’ai écrit: «L’autre jour, sur l’autoroute, un chien abandonné courait le long du terre-plein central. C’est très dangereux, ça peut créer un accident mortel.» J’ai pensé, après l’avoir écrit, que «créer» n’était peut-être pas le bon mot, puis je l’ai laissé parce que je n’en trouvais pas de meilleur, et que créer, c’est mon boulot, bien que j’aie ajouté: «Mon boulot, c’est camionneur». J’ai dit ensuite qu’il y avait un réel problème de chiens abandonnés, que ce n’était pas la première fois que je voyais une chose pareille, et que je voulais témoigner, non seulement pour que le public se rende compte, mais pour mes enfants, qu’ils sachent qu’un camionneur voit beaucoup plus de choses de la vie qu’un type dans un bureau, et qu’il a donc des choses à dire, même s’il n’a pas fait d’études. Par exemple, ai-je écrit, quand je pars le matin dans mon camion, comme je n’ai rien d’autre à faire qu’observer, je remarque les anomalies, et j’en parle. J’en parle quand je peux, quand je rencontre des gens qui ont envie d’écouter, ce qui n’est pas très fréquent parce que, dans les aires de repos où on s’arrête, on ne se dit pas grand-chose, à cause de la fatigue. Et puis moi, par nature, je ne parle pas beaucoup. Et mes enfants, je ne les vois guère. Heureusement que leur mère s’en occupe, c’est un ange. Mais moi, quand ils iront à l’université et que je serai à la retraite, il faudra que j’aie des choses à leur dire, sinon ils me regarderont de haut, comme tous les enfants regardent leurs parents, je ne prétends pas que notre famille soit une exception même si eux ils vont faire les études que moi je n’ai pas pu faire, à cause de mes parents, justement. »
Caroline LAMARCHE, Le Jour du chien, Espace Nord, 2017 (Les Editions de Minuit, 1996)