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De Cendres et de Fumées

Publié le 18 avril 2018 par Adtraviata

De Cendres et de Fumées

Quatrième de couverture :

« Un jour, probablement, je mourrai.Je me résumerai à quelques kilos de chair, des os et des liquides parfois nauséabonds – toi aussi, lecteur, toi aussi. »

Iradj Lévy se souvient de bribes de son passé : la maison du grand-père maternel à Téhéran, le Kibboutz en Israël, l’arrivée dans ce Bruxelles froid et ses premières frasques amoureuses. Comme pour ne pas laisser s’évanouir le passé en fumée, Iradj Lévy s’efforce de remonter aux sources des deux tribus qui l’ont engendré : la juive et la persane. Un récit aux allures de saga familiale, haut en couleurs d’Orient, mêlé de teintes bruxelloises pour cette famille immigrée qui devra se faire une place.

Un jour, Espace Nord (collection patrimoniale de littérature belge) a produit une newsletter citant tous les titres de la collection ayant obtenu le Prix Rossel (le prix littéraire le plus prestigieux en Belgique francophone) Il m’a donc pris l’idée folle de guetter ces titres et éventuellement d’en lire le plus possible… Projet qu’évidemment je n’ai jamais tenu mais qui m’a permis de glaner ce livre en bouquinerie. De Philippe Blasband, in illo tempore, j’ai beaucoup apprécié la lecture de Max et Minnie et Le grand livre des Rabinovitch, De cendres et de fumées est le premier de ses quatre romans. Et finalement, ce Mois belge 2018 m’aura permis de lire deux Prix Rossel  en suivant !

La lecture de ce court roman n’est pas aisée : d’abord parce que dès la première page, Iradj Lévy m’a un peu heurtée par ses propos sur l’amour (j’ai craint le pire mais ce n’était pas justifié), ensuite parce que cette évocation du passé va et vient constamment entre passé et présent, entre Téhéran et Bruxelles, d’un oncle Hosseini à l’autre et cela nécessite sans cesse une adaptation au temps du récit et à ses personnages multiples. C’est que Philippe Blasband est monteur cinéma de formation (il écrit aussi pour le cinéma et le théâtre) et cela se sent dans les multiples changements de points de vue.

Il est né lui-même à Téhéran et on sent son plaisir à évoquer les nombreux oncles de sa mère et son grand-père maternel, la tribu des Hosseini, personnages pas forcément sympathiques mais pittoresques dans l’Iran du Shah et dans la révolution islamique. Hosseini le Peintre, Hosseini le Bègue, Hosseini le Marxiste, Hosseini l’Aveugle, leurs femmes, leurs enfants, leur orgueil, leurs magouilles, leurs disputes… c’est assez jubilatoire.

Mêlés à ces personnages masculins, se glissent la figure de la mère d’Iradj, excentrique, hystérique et ses deux frères, Raoul et surtout Maurice, auquel Iradj est intimement lié. Sa mort tragique le poussera dans un kibboutz en Israël. Comme il suivait Maurice le gigolo dans les rues de Bruxelles, de même il suivra Cendres, une femme perdue, sensuelle et mystérieuse.

Le lien fraternel, la famille, les femmes, les origines, l’exil, l’excès, mais aussi la mort au bout du chemin, autant de thématiques ramassées par Philippe Blasband dans ces quelque 150 pages. Sans doute un kaléidoscope de sa propre famille, marqué d’imagination et d’exagération.

« Mon père vit ainsi Hosseini-l’Aveugle, celui qui était tombé amoureux de sa cousine de neuf ans et qui, de chagrin, avait regardé le soleil et s’était brûlé les yeux, Hosseini-le-Marxiste, joueur invétéré mais sympathique, Hosseini-le-Bègue, qui travaillait au ministère de la Défense; Hosseini-Bazar, le cruel et le bon, esclave du Shaïtan et serviteur du Tout-Puissant (il n’y à de Dieu que Dieu!), qui, plus tard, pendant la révolution, devait envoyer des tueurs fanatiques aux trousses du frère qu’il avait lui-même caché; et enfin, retiré, parlant à peine, vivant à peine, Hosseini-le-Peintre, père de ma mère et ses sœurs (aucun fils – disgrâce!), peintre pompier, qui un jour de printemps, trente ans plus tard, devint aveugle et s’écroula au sol devant moi. »

« Elle me parla gentiment, poliment, avec un sourire à peine prononcé, si léger et si tendre que j’en souffrais. Je ne supportais qu’à peine cette gentillesse, tout ce sentiment paisible, acidulé, exécrable; je la méprisais, je voulais la haïr, lui cracher à la face, la frapper, la faire pleurer et saigner, l’écraser, la rejeter loin de moi, l’abolir- je tombais amoureux d’elle. »

Philippe BLASBAND, De Cendres et de Fumées, Collection Espace Nord, éditions Labor, 1999 (Gallimard, 1990)

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