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Leila Marmelade : Vaudace - Fighting temptation

Par Gangoueus @lareus
Leila Marmelade : Vaudace - Fighting temptation
Allez, je dois avouer qu’il m’arrive parfois d’être hautain, arrogant. Du haut de mes grandes lectures. Dans mes tentatives de comprendre la poésie des grands de ce monde. Césaire. Tchicaya. Okoundji.  Laye. Dans mes pérégrinations dans l’imaginaire fertile de Toni Morrison, de Marie Vieux-Chauvet, de Boubacar Boris Diop ou Abdelaziz Baraka Sakin… On se croit parfois plus intelligent après avoir lu Monemembo, Sony Labou Tansi ou Kossi Efoui. Dans une posture pouvant laisser entendre qu’on fait partie d’une élite, on peut être tenté de ricaner en découvrant les lecteurs de Marc Lévy, Guillaume Musso, de Gérard de Villiers ou de romances… Tiens romances…

Méa culpa

La vérité cependant est là, pendant au nez. Tant qu’on ne connait pas un sujet, on la ferme. Y-a-t-il des grands lecteurs et de petites littératures ? En vérité c'est un faux débat parce que chacun vient faire son marché du livre en fonction de ses aspirations profondes. Divertissement, évasion pour certains. Thérapie, instruction, pour d'autres, combat politique pour les warriors, etc. Du coup, il faut être calme et sage. Ne pas balancer des fatwa sur les réseaux sociaux trop rapidement... Bon, je ne viens pas de terminer un roman portant sur le sado-masochisme pour m'auto-flageller ainsi sur la place publique. J'ai officiellement lu sur une romance sensuelle d’après les dires de l’auteure Leila Marmelade, écrivaine gabonaise, dont j’avais aperçu les oeuvres chez son éditeur Kusoma que je suis de près depuis mon MBA en Marketing. Ibuka Njoli, éditeur numérique a beaucoup publié sur les romances. Ce que j’ignorais, pour ne pas avoir été attentif, c’est le fait que ces ouvrages avant d’être publiés ont déjà eu une vie très riche sur les réseaux sociaux. Ainsi, par la pratique du feuilletonnage de son travail, Leila Marmelade gère une communauté engagée, j’insiste sur l’adjectif qualificatif « engagée » de 12000 fans sur Facebook. Une communauté qui vit avec l’auteure, ses publications, réagissant aux situations que vivent les personnages, proposant d’autres scénarii. Ce n’est pas anodin. J’avais entendu parlé de ces fictions 2.0 mais en allant sur chez Miss Marmelade, j’ai appris pas mal de choses. 

Le Gabon et les spécialisations littéraires

Un deuxième point que j’aimerais aborder est le fait que Leïla Marmelade est une écrivaine gabonaise. Et ce n’est pas banal. Parce qu’il me semble que les Gabonais sont entrain de s’installer, de prendre les commandes de la littérature de genres. Janis Otsiemi pour le polar. Plusieurs écrivaines gabonaises pour la romance ou la littérature érotique. Je citerai Lilly-Rose Agnouret ou Owali Antsia, mais la liste n'est pas exhaustie Ah oui, parce qu’il faut quand même classer les ouvrages et lever toute ambiguïté. J’ai abordé ce livre comme une romance. Et il me semble important de signaler qu’il s’agit d’un livre érotique, construit sur la tension sexuelle entre les deux protagonistes de ce roman : Muguzi et Eloïse Valentine dite Audace.

Vaudace : Fighting temptation

Une fille à papa de la société librevilloise a tout réussi. Ses études. Elle a seconde remarquablement son père dans la gestion d’une agence immobilière. Elle est l’aînée. Un de ses frères cadets est décédé. Et le seul homme de la famille qui reste n’est pas intéressé par les activités de son père. Eloïse compte prendre la succession quand son père se retirera. Le terrible choc pour la jeune femme de 32 ans est de réaliser que son père, malgré toutes les compétences de sa fille préfère la voir bien mariée plutôt que de gérer l’entreprise familiale. Présenter ainsi, tout cela pourrait paraître très caricatural.  La suite de la trajectoire de Eloïse l’est beaucoup moins lorsqu’elle décide d’abandonner la sécurité matérielle pour tracer son sillon dans ce qui représente un battement de coeur depuis toujours: le stylisme et la mode.

Heloïse ou l’audace en permanence

J’aimerais souligner qu’on accroche à ce roman à cause du personnage d'Eloïse renommée Audace par un protagoniste de ce roman. C’est un personnage féminin qui ne se laisse pas écraser par une société patriarcale totalement assumée. Elle n’abdique pas même devant des figures familiales. Elle a un rêve et elle se donne les moyens même si la reconversion dans l’univers impitoyable de la mode est loin d’être gagnée. Sa poigne, sa détermination est réellement stimulante pour le lecteur. Intervient alors Muguzi, un anti-héros, un Nigérian au profil douteux mais qui prend en charge la formation des candidats de cette école de stylisme. Et là…

Erotisme ou romance ?


Si le roman nous donne de rentrer dans la société huppée de Libreville, d’entendre les quartiers de cette d'Afrique centrale, d’entrevoir le monde balbutiant de la mode au Gabon, je ne peux m’empêcher de dire que c’est une toile de fond. Car dans cette scène élaborée méticuleusement, le sujet principal est dans le rapport de force fait de passion et de bataille d’égo entre Audace et Muguzi. Et disons le clairement, Leïla Marmelade réussit à mettre en scène la passion amoureuse, le désir et le plaisir. Et c’est là que je coince personnellement. Contrairement à ce qu’exprime l’écrivaine gabonaise dans une interview dans AfroPlumes, nous ne sommes pas que dans une romance sensuelle. Ca va bien au-delà. Comme un polar et un dénouement par la résolution de l’intrigue, ici, tout tourne dans l’explosion des sens et la description très précise qu’en propose Mrs Marmelade. Il y a une volonté de produire un discours très volontairement féministe dans un inversement des rôles et dans l’idée que le prédateur peut devenir une proie. Qu’adviendra-t-il de ce couple ?
Si je devais retenir trois choses de ce livre, ce serait le mauvais étiquetage, le monde de la mode en Afrique et la patte radicalement féministe du discours de Leïla Marmelade. La littérature est le lieu de la reconstruction des rapports raciaux, des classes sociales, de genre ou de la sexualité, pour les optimistes. Le texte est bien écrit, c'est important de le souligner. Après, on a le droit de ne pas partager la vision de l'auteur sur certaines questions ou certaines représentations.
Leila Marmelade, Vaudace - Fighting temptation
Editions Kusoma, 364 pages, première parution en 2015, uniquement en format numérique

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