Des bénédictions particulières
Un être est là, puis disparaît. Certains poètes ont tout spécialement l’art de dire l’adieu, de rendre la douceur et la violence du moment de l’adieu. Je rapproche Melville et F. Scott Fitzgerald, Moby-Dick et Tendre est la nuit. Il ne serait pas légitime de rapprocher un homme et un monstre marin mais je rapprocherai deux noms entre eux, entre elles deux images.
Le personnage du roman de Fitzgerald a pour nom Dick. Quand il prend congé du « monde » (du monde des fêtards de la Riviera), c’est avec panache. « He raised his right hand and with a papal cross he blessed the beach from the high terrace. Faces turned upward from several umbrellas » « Il leva la main droite et, depuis la haute terrasse, d’un large signe de croix comme on voit faire le Pape bénit toute la plage. De sous les ombrelles des visages se tournèrent vers lui ».
Quand la Baleine blanche de Melville (« I celebrate a tail », « je célèbre une queue ») quitte la surface de l’Océan pour plonger dans ses profondeurs, d’une sèche frappe de son immense queue elle asperge le ciel d’une bénédiction irrévérencieuse d’eau, de sel, et de lumière.
Claude Minière