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Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 70-71-72

Par Blackout @blackoutedition
Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 70-71-72

Photo de Simon Woolf

Pour le livre de Richard Palachak, "Kalache", c'est par ici : KALACHE

Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 70

– Un rugbyman à longues frisouilles s'est mis à faire des moulinets tout en fonçant tête baissée sur un autre client. C'était ridicule et flippant à la fois, si l'on considérait la carrure et la grimace enragée de l'assaillant. Son adversaire s'est révélé plus lucide et plus prudent. Il a reculé de trois pas pour rameuter sa bande de cousins. D'une seconde à l'autre, c'était la bûcherie générale. Dix piliers face à dix bourrins des champs. Ça cognait dur et de partout. J'ai appelé les renforts au talky mais y'avait pas grand-chose à faire. – Comment ça ? – C'était trop dangereux, Felicio... La situation nous dépassait jusqu'à la moelle. – Tu te fous de moi ou quoi, Kalache ? – Y'avait rien à faire, à part attendre que la moitié des bastonneurs soient rétamés. – Vous auriez au moins pu tenter de vous interposer ? – Ouais mais Serge est arrivé... serein. En vrai patron qui sait gérer tous les caramels. Il nous a dit de foutre les paysans dehors. – Et vous avez obéi ? – Le ménage a été fait selon ses instructions, les miraculés d'abord et les cadavres ensuite. Au final, à cinq contre cinq, on les a dérouillés, d'autant plus qu'ils étaient déjà bien amochés. De leur côté, les rugbymans ont laissé pisser le mouton et sont retournés à leur chouille dans une franche rigolade, incongrue et sans transition. – Des joueurs de rugby, quoi... – Une plaie pour les videurs, Felicio. Crois-en mon expérience. – En tout cas Serge a certainement ses raisons, s'il prend leur parti sans tortiller. – J'en sais foutre rien et je m'en bats les fesses. En revanche ce qui est sûr, c'est que le fait de trancher sans se gratter prouve que c'est un vrai boss, un mac, un taulier. – Ton histoire signifie surtout que vous êtes des couilles molles, Kalache.

Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 71

Gino et Mirko n'en finissaient plus de piapiater sur les notions de mal et de bien, les rapports hommes-femmes et le nouvel ordre mondial. De leur côté, les mafieux avaient regagné la table centrale, enchaînant les traces de talc et les rasades de brandy. Ça barguignait business, l'air de rien. Mais cette fois, le sujet du conciliabule était plus grave. Il s'agissait des différents règlements de compte et autres affaires contentieuses affectant le clan du nord. Untel avait été retrouvé pendu à un arbre, une dragée dans la tête et deux dans le thorax. Un autre s'était fait serrer en République Tchèque et plongeait pour vingt ans. Puis y'avait l'autre empaffé qu'avait empoisonné le chien de Lado... alors on débattait de la pire façon de le faire danser. Et celui qui faisait chier son monde en contractant des marchés en loucedé ? Fallait s'en débarrasser dare-dare histoire de dissuader ceux qui seraient tentés de suivre son exemple. Gino tapa deux chnoufs en continuant d'écouter son ami lui raconter la vie. Puis il observa les truands qui montaient en pression, mimant de plus en plus tangiblement les crimes évoqués. Il comprit de quoi il en retournait quand il aperçut Lado toiser crûment Mirko. Les effets de la joy powder échauffaient la clique, y compris son ami qui beuglait de plus en plus, accompagnant son envolée passionnée de gestes prétentieux. Du coup toutes les conditions étaient réunies pour un épouvantable quiproquo. Sans même s'en rendre compte, Mirko le hacker passa pour un traducteur débile et suicidaire. En tout cas, c'est ce que Gino s'imagina en voyant le patron se lever d'un bond, en coup de raisin, et décarrer au large afin de s'entretenir en tête à tête avec le chaos.

Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 72

Un petit gars finit par accepter le job : un certain Felicio, petit portugais d'une vingtaine d'années, trop petit, trop jeune et trop chétif pour ce boulot. Les mâles dominants donnaient dans les trente-quarante ans. Ces gars-là foutaient rarement le caillon mais lorsqu'ils avaient de la carrure et qu'ils vous pétaient dans le boudin, fallait pouvoir les maîtriser. Les gamins de vint ans, les cogneurs les soulevaient comme des poupées de chiffon et les balançaient dehors façon lancer de nain. La plupart du temps, les jeunots se décantaient dès qu'ils nous voyaient débouler. Le problème de Felicio, c'était qu'il ne se démarquait pas de ces coquelets de basse-cour. C'était un beau petit pitchoun avec une belle petite gueule d'ange et un beau petit sourire charmeur. Une proie de choix pour tout teigneux qui se respecte, le contraire absolu d'un élément de dissuasion, l'irrésistible tentation d'un pétage de gueule abâtardi et dégénéré.

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