Il faut avoir le sens de l’humour pour visiter l’exposition « Forêt Thérapie » du Centre d’art contemporain La Traverse.
Première salle : en guise de forêt, ce sont des troncs d’arbres coupés sur lesquels sont posés des livres, le tout sur un lit d’écorces. Au fond une hutte dans laquelle un écran diffuse sa lumière et des propos de scientifiques explorant les secrets de la nature. Dès l’entrée, donc, l’exposition met en évidence le grand écart qui existe entre la nature et ce qu’en font les humains, grand écart souligné par une production actuelle de littérature consacrée aux bienfaits de la promenade en forêt. Cette installation me dit plutôt que nous allons déforestant et que bientôt il ne nous restera plus que la hutte dont l’intérieur est tapissé d’une couverture de survie, hutte dans laquelle nous tenterons de nous réfugier pour retrouver, comme dans la grotte de Platon, l’illusion plutôt que la réalité.
Tout dans cette exposition me semble aller dans ce sens : on diffuse de la musique pour les plantes, une musique enregistrée sur des 33 tours. Sans doute parce qu’il vaut mieux diffuser une musique créée par les humains plutôt que d’écouter les sons produits par les végétaux…
Il ne faut pas toquer sur le rocher de massage : vous ne pourrez plus croire à ses effets bienfaisants : il est creux, il est faux.
L’espace de travail, un bureau, est sens dessus dessous. On n’y fait plus rien de concret. Alors on invente des jeux qui ne contestent pas l’ordre économique puisqu’il continue son oppression : même quand les ordinateurs sont renversés, l’image qu’ils diffusent continue d’être diffusée.
Un projecteur posé sur un aspirateur robot envoie sur les murs de la salle suivante des images d’animaux de compagnie. Le programme de l’exposition dit qu’il s’agit d’une façon de poser la question du vivant et de la relation, ce qui sera confirmé par la dernière pièce. Pour ma part, alors que le livre de George Orwell, 1984, vient d’être publié dans une nouvelle traduction, je me dis que, sur le robot qui fait le ménage, on pourrait tout aussi bien poser une caméra et cela existe peut-être déjà.
La dernière pièce, c’est un espace long et étroit, dans lequel, lors d’une précédente exposition, un enregistrement évoquait la mort d’un proche. Cette fois, le visiteur est invité à s’allonger sur un lit d’écorces semblable à celui de la première salle (c'est la fin d'un cycle) et à regarder au plafond des images de ces robots destinés à tenir compagnie aux vieillards.
Le discours sur la Forêt Thérapie est donc un leurre, un piège. Le livre de Gilles Clément Le grand B.A.L. devrait nous alerter : nous vivons dans l’ère du paysage du mensonge. Et cette exposition le dit, elle aussi, à sa façon.