Aussi vieille que belle et verte, la revue Europe nous offre ce mois-ci deux ensembles riches, le premier sur Georges Didi-Huberman, l’autre sur James Sacré. Ce dernier dossier a été dirigé par Serge Martin, qui signe un article de fond sur « reprises », « relations », « ruses » et « rimes » chez Sacré ; il mène aussi un entretien éclairant avec le poète à propos de « cette naïveté confiante ou je ne sais trop quoi qui s’aventure dans les mots sans but, sinon sans raison vraiment », jusqu’au poème comme « une véritable aventure dans le vivre-langage et non pas un objet formaté et fabriqué en vue d’un usage particulier ». Sacré donne aussi une suite de poèmes, Un ancrit de silences, sorte de boucle captant entre silence initial et final un peu du « brillant des souvenirs ». Les contributions qui suivent sont intéressantes dans leur diversité : Ariane Dreyfus, toute en sensibilité, intelligence et familiarité avec cette œuvre qui nous apprend « à ne pas avoir peur de la réalité ». David Ball, avec beaucoup d’humour et d’amitié, indique ses quasi « impossibilités » pour traduire Sacré en américain. Alexis Pelletier, lui, attaque l’œuvre par le biais de la saleté, comprise comme « notion transversale », commune à « tous les univers que la poésie de James Sacré traverse ». On retrouve la question du temps chez Yann Miralles (bel article dense sur reprise et variation) et chez Christophe Wall-Romana, via le film. Dernière contribution, surprenante, d’E. Arauxo, qui tisse des paroles de Sacré et des paroles de paysans « felos » durant leur carnaval, en Galice. Un beau dossier, vraiment.
Antoine Emaz
Revue Europe, n° 1069, mai 2018, pages 174 à 257.