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Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 79-80-81

Par Blackout @blackoutedition
Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 79-80-81

Photo de Simon Woolf

Pour le livre de Richard Palachak, "Kalache", c'est par ici : KALACHE

Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 79

Notre tour de garde était presque fini. Restait plus qu'une demie heure à tout casser. Je prétextai une envie de pisser pour aller faire un petit bain de foule. En cas d'embrouille, Felicio pouvait toujours avertir à l'oreillette. J'en profitai pour faire le tour des petits culs qui se trémoussaient sur le dancefloor, avant de m'engager dans le couloir des chiottes. En passant devant l'accès terrasse, je fus interpellé par des cris d'empalés venant de l'extérieur. Un coup d'œil à la va-vite et je vis que ça se bousculait. Je donnai l'alerte au talkie et me précipitai sur les lieux de la baston présumée. Une fois de plus, mon flair ne m'avait pas trompé. Trois cabots, chauds comme des piles bon marché, massacraient un type à terre à grands coups de lattes dans la gueule. J'en choppai un tandis que Gilles et Régis s'occupaient des autres. C'était des moutards comme les autres, d'apparence banale et inoffensive. Des « imprévisibles », de ceux que l'on faisait rentrer sans le moindre soupçon. On les vida sans ménagement. Une fois sur le parking, notre conscience éducative nous recommanda de les savater crûment, pour qu'ils savourent aussi l'envers du décor ; et Gilles allongea la sauce en les douchant avec l'un de nos sprays lacrymo géants. Un mix entre l'extincteur et le karcher... De la merde. Ces chiens de voirie l'avaient bien mérité ; le trois contre un devenait le modèle imbuvable de la peignée version Go-Fast Generation, diffusé sur les écrans de leur 06, en gif, en live, ou en stream... Et cette new fashion exécrable justifiait tout lynchage pédagogique. La loi du plus fort avait ployé sous le joug de la masse des crétins. La démocratie des barbares. La dictature du plus grand nombre.

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– Régis était parvenu à repousser les bouseux grâce à son gazeur géant. Dès qu'y en avait un qu'osait ramener sa graisse, il le douchait de la tête aux pieds. J'ai assisté à la scène... et comme un chien dont on bottait le derche, le péquenot se débinait en couinant de douleur. Du coup, c'est toute la meute qui braillait à s'en faire péter la jugulaire : « 'Culé de ta race ! Pose ta bombe et viens te battre comme un homme, fils de pute ! » – Et t'y es allé ? – Quand j'ai vu ça, j'ai filé chercher mon extincteur à poivre. À mon retour, j'ai remarqué qu'un gros paquet de lascars s'était regroupé devant la porte d'évacuation de la grande salle, dans le coin sombre et sans caméra du parking. Ils devaient bien être vingt je dirais, à vue d'œil bituré. – Tu les connaissais, Kalache ? – Non, deux puceaux de la nuit prouvaient qu'ils étaient des « bonhommes », entourés d'un cercle d'anciens. – Ouah ! – Rituel initiatique assez ordinaire en réalité, Felicio. – T'as vu la baston ? – Ouais, j'ai bugué dessus. Le combat semblait régulier, mais sans suspens : l'un des combattants s'est rué sur l'autre et l'a projeté au sol d'un coup de targette en pleine poitrine. Un finish attendu : restait plus qu'à se mettre à califourchon sur le mec au sol et l'abattre à coups de coude et de tampon dans le museau, façon MMA.

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Ça faisait un mois que je piachais comme un sac, histoire d'effacer ce putain de soir de pleine lune. Et pour les couilles du pape en définitive, car je n'avais rien oublié... ça tournait en boucle dans la télé de mon esprit, malgré de la kro à deux balles en perfusion, des torpilles de vodka Maria-Salopova pour tout repas, puis mes shoots maison d'hypnotiques et de benzodiazépines quotidiens. Bilan du traitement ? L'intoxication. La vraie, celle qui te claque la tronche contre les murs et te plie en deux le bide à l'acide. Un asservissement mental et physique, et le désespoir d'un chien galeux que l'on conduit dans une fourrière moldave. Fallait que je torche... un peu... beaucoup... à la folie... tout le temps. Pour rien du tout.

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