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(Notes sur la création) Zao Wou-Ki

Par Florence Trocmé

Je ne comprends pas les peintres chinois aujourd'hui.
Parlez-vous de ces peintures de l'immédiat, sans profondeurs, de ces couleurs, sans nuances ? Parlez-vous de cette toile où des personnages vous scrutent de leurs yeux sans regard ? Parlez-vous de cette performance où un peintre sur une montagne en tenue d'apparat peint devant un public en extase ?

Pourquoi font-ils toute cette publicité, ça ne se fait pas. On ne travaillait jamais devant les autres. Les peintres se cachaient dans la montagne, dans la nature, loin de la société. Comme le tao. Ils peignaient pour eux-mêmes, pas pour le public. Maintenant ils travaillent devant beaucoup de monde pour faire plaisir, pour montrer. Tous ces gens autour de lui changent l'attitude du peintre. Peut-il réfléchir avec toutes ces personnes autour de lui ? Ces démonstrations sont contre toute la pensée chinoise. J'ai horreur de cette exhibition, de ce mauvais goût. Pourquoi faut-il forcer les gens à comprendre ce que vous faites ? Ce n'est pas la peine. Si la peinture est forte, vous n'avez pas besoin d'expliquer. La peinture n'est pas faite pour une démonstration, c'est une chose pour soi-même. C'est comme écrire des poèmes ou chanter. La peinture est toujours pour soi-même. Quand vous avez fini, la toile vous quitte. Elle va vivre avec un autre. Devant la performance que font les peintres aujourd’hui, je demande : est-ce que c’est sincère ? Je travaille toujours tout seul. Je ne peux pas travailler devant quelqu’un. Il y a automatiquement quelque chose qui se glisse, quelque chose pour faire plaisir, quelque chose d’un peu putain. Ça manque de sincérité.
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Avec Michaux - il détestait son prénom, je l'appelais toujours par son nom - on part tous les deux à la campagne. Voir les feuilles changer. Il aime ça. Les promenades en forêt. Il est toujours très seul. On parle technique, papier, encre, pinceaux.
Michaux est gentil, très secret. Ce n'est pas un ami comme tout le monde. Il parle très bien, un style très littéraire, parfois c'est difficile à comprendre.

Catherine Zittoun  Zao Wou-Ki  Henri MichauxCatherine Zittoun, Zao Wou-ki, Henri Michaux, une amitié,
précédé de Zao-Wou-Ki et la Chine, une libre destinée,
préface de Bernard Noël, éditions des crépuscules, 2018, 15€, 50 p., pp. 30 et 40.
Fiche du livre sur le site de l’éditeur


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