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Exposition photographique "RECRIAR" - Fábrica Braço de Prata Lisboa

Publié le 12 juin 2018 par Paulo Lobo
Le 7 juin a eu lieu à la Fábrica Braço de Prata (Lisbonne) l'inauguration de l'exposition "RECRIAR", avec des photos de Jessica Theis, Bruno Oliveira, Sven Becker et Paulo Lobo.
L'exposition est axée sur le thème des Portugais du Luxembourg, chaque photographe ayant choisi son angle d'approche - sphère privée, intimiste, pour Jessica et Bruno; plus ouvertement espace public  pour Sven et Paulo.
Recriar restera visible jusqu'au 30 juin dans cet espace au charme très particulier, "le lieu culturel le plus cool et illégal de Lisbonne" selon le site lisboacool.com, en fait une ancienne fabrique de matériel militaire squattée dès 2007 par un petit groupe d'intellectuels qui l'ont gardée inchangée, très brute, âpre et rugueuse, mais la structure est aujourd'hui l'un des endroits les plus branchés, libres et dynamiques dans la capitale. On peut y voir des expositions, assister à des concerts de musique dans les styles les plus variés, boire et manger dans un bar sympa, fréquenter une magnifique librairie ... L'endroit est libre d'accès, aucun droit d'entrée, les concerts ne sont pas payants, les expos toujours originales et la faune qui fréquente les lieux est bigarrée à souhait, à la fois lisboète et internationale, jeune et âgée, alternative et conservatrice... Il y a une poésie incroyable qui émane des lieux, et c'est dans ce cadre extraordinaire que la jeune curatrice Atena Abrahimia a réussi à placer l'exposition Recriar.
En réalité, c'est Atena qui a porté à bout de bras ce projet sur les Portugais du Luxembourg. Etablie à Lisbonne depuis deux ans, elle effectue un Master sur l'immigration portugaise à l'Universidade Católica, et c'est dans ce contexte que la jeune Luxembourgeoise d'origine iranienne a élaboré l'exposition. Elle a invité les quatre photographes à porter un regard sur cette communauté si présente au Grand-Duché mais dont la perception au Portugal reste imprégnée de clichés et fantasmes.
Les séries présentées ont avant tout une vocation artistique, les photographes n'ont pas voulu faire oeuvre d'analyse sociologique ou de document scientifique, ils proposent une vision forcément subjective et fragmentaire des "Portugais du Luxembourg". Voulant garder la portée ouvert de leurs images, ils ont d'ailleurs choisi de ne les faire accompagner d'aucun titre ou commentaire explicatif. A chaque visiteur d'y lire ce que l'image voudra bien lui donner.
Pas de légendes pour les photos individuelles donc, mais une explication de la démarche de chaque photographe mettant en avant les grandes lignes du sujet mis en cadre.
Avec ses images d'un noir et blanc époustouflant, avec une grande force expressionniste, Sven Becker nous plonge au coeur de la liesse populaire qui a suivi la victoire du Portugal au championnat européen de football en 2016. La série "Campeão" décrit la joie extatique des corps exultants, entre ferveur religieuse et état de siège.
A l'opposé de ces ambiances nocturnes et presque sauvages, voici l'univers tout en délicatesse de Bruno Oliveira, qui rentre dans la sphère privée des gens et nous fait ressentir la "portugalité" à la fois des êtres et des habitations. Placées sous le titre "Saudade", les photographies de Bruno portent en elles une simplicité et une émotion à fleur de peau tout à fait confondantes. Le moment suspendu dans le temps nous invite à observer avec amour des personnes qui n'ont pas de masque, qui sont elles-mêmes, véritablement et purement femmes-mêmes.
Egalement dans l'approche intimiste, Jessica Theis se concentre avec sa série "Lescht Station: Hoffnung" sur le quotidien de deux familles qui ont émigré au Luxembourg dans la foulée de la crise de 2008. Optant pour une technique expérimentale et poétique, Jessica fait de ses photos presque des sortes d'auto-portraits, semblant se poser la question : "qu'aurais-je fait à leur place ?"
Enfin, avec sa série "Coração de aço" présentée en forme de patchwork, Paulo Lobo développe une sorte de regard panoramique sur les Portugais habitant à Differdange, allant des plus jeunes aux plus anciens, portraits posés ou à la volée, scènes de rues et de cafés, le tout capté dans le cadre post-industriel de la 3e plus grande ville du Luxembourg. Qui sont-ils, d'où viennent-ils, que font-ils, pas d'indications précises, ce qui compte ce sont les gestes et les regards.
L'exposition "Recriar" est déployée toute entière dans une sale de forme carrée, chaque photographe occupant un mur avec sa série. Cette scénographie resserrée fait que, loin de fonctionner en vase clos,  les images de chaque photographe sont mises en dialogue avec les autres, proposant d'intéressants jeux de miroirs et de réflexions. Offrant au final une vision kaléidoscopique, ouverte, de la si-disante "communauté portugaise". Que l'on ne peut pas enfermer dans des stéréotypes et des catégories définitives.

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