Magazine Beaux Arts

Pierre et Gilles

Publié le 26 juin 2007 par Marc Lenot

au Jeu de Paume Concorde, jusqu’au 23 Septembre.

Est-ce une exposition réjouissante ? En sort-on allègre et rempli de la beauté du monde ? On pourrait le croire. Des murs peints dans des teintes acides et joyeuses, des plantes vertes en haut des cloisons, un rideau de fraises sur la mezzanine encadrant une Innocence pré-pubère, toute une mise en scène allègre. Les cadres fantastiques aux couleurs sucrées, aux formes contournées ont bénéficié d’autant de soins que les photos peintes uniques qu’ils présentent. Tout cela traduit une aspiration au classicisme, à la “grande peinture”, mythologique, religieuse, un peu surannée.

Et dans ces cadres, partout, la beauté. Beauté des icônes : pharaon, star, matador, marin. Beauté lisse, pure, douce, caressable. Beauté des stars (ci-dessus, côte à côte, Mireille Mathieu, Catherine Deneuve, Sylvie Vartan, Kyle Minogue et Marylin Manson). Beauté d’Abel. Même la mort est légère, des petits crânes ailés volètent joyeusement. Même l’Irakien mourant ou le déporté au triangle rose paraissent sereins, beaux, éthérés. Comment ne pas sourire devant Christian Boltanski en Saint Vincent de Paul, devant François Pinault ci-dessus en Capitaine Nemo (simple allusion à ses origines bretonnes, paraît-il) ou devant Lola la goulue ? Comment ne pas s’émerveiller devant cette science de l’accessoire, de l’ornement omniprésent, devant cette maîtrise iconographique, iconolâtre, iconodule ? Une de leurs expositions dans leur galerie parisienne se nommait Un monde parfait. Que dire de plus ?

Qu’il y a une autre salle, où ils exposent leurs autoportraits, où, libérés des contraintes du modèle (tous leurs modèles sont nommés dans les cartels, bravo), ils peuvent donner libre cours à plus de fantaisie, plus d’intimité, plus d’explosion. Ici, nus, ils brandissent en guise de sexe d’énormes godemichés, l’un en Diable (Pierre), l’autre en Mort (Gilles). Là, ils se représentent en Président et en Maréchal soviétique : Pierre et Gilles à l’Elysée !

Et puis il y a ces 4 ou 5 photos totalement déstructurées où, au prime abord on ne discerne que des membres épars, des abatis, des reflets incompréhensibles. C’est l’enfer de Dante, c’est un charnier, c’est une toile de Music, ça se nomme Exil intérieur, et parfois Celacantus, nom portugais du Cœlacanthe, poisson fossile qui parfois remonte des profondeurs. Devant ces photos peintes d’un vert glauque, vous entendrez des cris de douleur, des rires sarcastiques, des pleurs infinis.

Et là on sent la beauté se fissurer, le kitsch s’évaporer, la légèreté s’alourdir, le sourire se figer.

Photos de l’auteur, copyright Pierre et Gilles (Galerie Jérôme de Noirmont). Voir ce site et celui-ci pour des portfolios de photos assez complets.

  


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