J'ai découvert Hubert Lenoir au début de l'année. Par une pièce instrumentale entendue à la radio que j'avais trouvée Bowiesque. Je ne me trompais pas. Il y a beaucoup de Bowie dans Hubert Lenoir. Et du Beatles (Don't Let Me Down ici**).J'avais téléchargé son album autour de l'enterrement de mon cousin ontarien d'origine, puis l'avait effacé de mon téléphone pour faire place à d'autres.
Mais entendant un de ses morceaux me plaisant le plus de sa part, encore à la radio, j'ai découvert aussi sa gueule. Et son style androgyne. Et, écoutant son clip, mon fils est descendu dans le sous-sol, l'antre de tous mes écrits et visionnements. Je me suis surpris à baisser la fenêtre du clip et d'en cacher le contenu des images à mon fils. C'était le passage du clip du premier "oh bébé j'aime tes seins".
Et me suis aussitôt trouvé con. Que cachais-je quoi à qui? Bon...les mots...la face d'Hubert pleine de rouge à lèvres pointant comme par souci de désir vers la caméra, qui est mon oeil...l'addition de tout ça m'a mis inconfortable. J'ai pensé à ce que ça pouvait avoir l'air.
Et christ que c'est con. Mon fils est d'une génération qui en vu bien d'autres au niveau des sexes entrecroisés. Lui cacher les images d'un androgyne ne revenait-il pas à lui cacher quelque chose qui pourrait ressembler à un vice caché? Je ne suis pas fan des androgynes, mais me suis comporté comme tel. Voulant le cacher. Avais-je peur de penser que mon fils pense que je me plais à regarder des androgynes sur le web? PEU IMPORTE!
J'étais déçu car je me comportais comme un gars qui se souciait de ce que "ça avait de l'air"...
Ce qui n'est TELLEMENT pas moi. Je me calisse pas mal (presque) tout le temps de ce que j'ai de l'air.
Pas ce soir là. Ni dimanche dernier. Fête des pères.
J'ai fait une journée anti-moi. C'est à dire que j'ai beaucoup travaillé sur le terrain à couper et tailler la haie. Tondre le gazon. Travailler le bois de la galerie où on croit que la marmotte locale se terre. J'ai vu dans les yeux de l'amoureuse que la vision de son Homme en train d'être...un homme?...lui plaisait.
En soirée, elle est apparue dans un attirail formidable...
...
Mais non. Elle est toujours formidable.
En soirée, elle m'a demandé ce que j'aimerais manger pour la fête des pères.
"Du thaï"
"C'est pas un gros repas du thaï"
"Je suis pas un homme de gros repas, tu le sais"
Ça l'a fait rire parce que c'est vrai.
Je suis allé le chercher moi-même. Et sur place, une fois ma commande passée, est arrivé derrière moi, Jean-Lune Coulombe. Que je n'avais pas vu depuis 1986-87. Quand nous étions ensemble en secondaire III, à Québec, et que les gens se plaisaient à lui lancer de temps à autres "L'HEURE JUSTE avec Jean-Lune Coulombe!". C'est que dans cette classe, en français, il avait cet enseignant que nous appelions, vous devinez surement pourquoi, Bulldog. Cet enseignant était continuellement bougon. À quelques minutes de la fin d'un cours, alors que nous attendions tous le son de la cloche en annonçant la fin, Jean-Lune s'était levé, avait enfilé son sac et d'un pas assuré s'était dirigé vers la sortie sous le regard ébahi de tous, AVANT la cloche. Quelqu'un lui avait dit "koss tu fais là Coulombe?" ce à quoi il avait répondu "Le cours est fini, j'ai l'heure juste".
Bulldog avait aussitôt jappé avec violence, faisant sursauter tout l'étage pour lui ordonner de non seulement se revisser le cul sur sa chaise, ce qu'il fit comme un petit chat docile, mais aussi d'attendre que tout le monde soit sorti pour sortir lui-même, le dernier. Bulldog avait échappé un très amer "L'heure Juste!" dans son triple menton, mots qui allaient rester collés à Coulombe pour le reste du secondaire. L'heure juste était le nom d'une émission que pilotait Jean-Luc Mongrain. Un animateur télé très affecté et risible.
Coulombe était le seul autre client peu exigeant de la soirée de la fête des pères, au Thaï, ce soir là. Avec sa fille.
"HEY! COULOMBE! comment vas tu? Bonne fête des pères! C'est ta fille?"
"JOnes!...Wow!...Non...c'est ma blonde"
Strike one.
"Oh! enchanté moi c'est Hunter Jones, un collègue de l'école secondaire avec ton chum en 1986-87"
"Mais je suis père, oui, depuis le 14 mai, un garçon, merci, t'es père toi?"
"Oui! deux fois, officiellement, 19 en juillet, un garçon et 15, une fille. La maman va bien?"
"CE...ce n'est pas elle la mère...Elle c'est ma nouvelle blonde, Zazou Zéphirin"
Strike two.
"Mais elle est mère aussi, d'un garçon de 30 mois"
"30 moi...2 ans et demi?"
"oui"
"Pourquoi on parle de mois quand...anyway..."
Sentant le besoin d'intégrer madame dans la conversation j'ai dirigé ma question vers elle. Une autre question assez inutile. Seulement pour qu'elle ne se sente pas exclue.
"Ton garçon va bien?"
"Y a intérêt! Il m'a tellement, mais teeeeellement déchirée quand je l'ai accouché..."
Trop d'informations. Trop d'intimité. Trop d'imageries non sollicitées. Ma commande devait arriver et vite. Ce qui fût le cas. Mais comme un boxeur qui ne veut pas tomber avant le dernier round, j'ai lancée une dernière phrase. La question toujours la plus conne qu'on peut poser à de nouveaux parents.
"Comment vous avez appelé votre garçon?"
Ne réalisant pas que je posais la question à deux parents différents qui me répondraient deux prénoms de garçons".
"Spatule Tesla"
"Balcon Coulombe"
Strike Three, you're out!
Je ne voulais plus que fuir les lieux. Pourquoi posons nous toujours cette question idiote? Il faut toujours s'attendre au pire. Au minimum, à une réaction face au choix.
Je leur ai fait une face que j'aurais voulu qu'ils filment. Pour voir de quoi j'avais l'air.
Je ne me souviens plus si je l'ai dit ou seulement pensé mais en quittant, commande en main, je me vois dire "L'HEURE JUSTE AVEC JEAN-LUNE COULOMBE!"
Et me poser ensuite la question mentale superficielle
"De quoi j'avais l'air donc?"
Décevant.
Très décevant.
Pas le Thaï toutefois.
Jamais décevant le Thaï.
** Qui est en fait du Jean-Pierre Ferland