The Carters (Beyoncé & Jay-Z) « EVERYTHING IS LOVE » @@@½
Sagittarius Laisser un commentaireC’était dimanche 17 juin le matin, pas très frais, en train de tartiner sa biscotte. Un coup d’oeil sur le smartphone pour checker la timeline Twitter où l’on découvre que, ô surprise ô joie, le powercouple de l’industrie musicale Beyoncé le Jay-Z ont enfanté dans la nuit Everything is Love, leur premier album collaboratif. Sur Tidal, pour commencer, synonyme de on peut finir son ptit dej’ tranquille et un brin frustré. Une surprise j’ai dit?
2002, Blueprint 2. « Are you ready B? » demandait Jay-Z à sa passagère Beyoncé, avant de prendre la fuite tels des fugitifs dans une Aston Martin flambant neuve, de peur d’être rattrapés par un amour interdit. La suite, on la connaît. « Dangerously In Love« , dont l’album vient de souffler ses quinze bougies, officialise leur romance dans un tourbillon de cuivres destinés aux dancefloors, une relation qui se confirme sur le second album de Beyoncé avec « Déjà Vu » puis « Upgrade U« . La chanteuse qui rime avec « fiancée » renvoie l’ascenseur sur « Hollywood » de Jay-Z qui sortait de sa retraite anticipée avec Kingdom Come. Le mariage, le vrai, aura lieu en Avril 2008 et leur premier enfant Blu Ivy naît quatre ans plus tard. Leur relation musicale devient moins intense mais n’en demeure pas moins très professionnelle.
Après « Part II (On The Run) » sur Magna Carta Holy Grail de Hova (2013) et le fameux « Drunk In Love » quelques mois après, c’est parti pour une tournée mondiale à deux financée par les centaines de milliers de fans à travers le monde. De là à s’imaginer un album à deux, ce fut immédiat, même que le public les voyait déjà s’appeler ‘The J&B’. Rien ne semble troubler la vie des époux Knowles-Carter, tout leur réussit. Sauf Tidal, mais pas que. Parce que patatra, le couple afro-américain le plus influent de la planète bat de l’aile : on apprend par madame Beyoncé sur LEMONADE (2016) son mari Sean Carter l’a trompé (faut-il utiliser le conditionnel?). HANLALA. Face à cette révélation qui a fait des vagues géantes sur Internet, Jay-Z s’expliquera pétri de remords sur le tell all album 4:44, qui sort deux semaines après la naissance de ses jumeaux. Faute avouée, faute à moitié pardonnée? Pour madame, on ne le saura véritablement jamais, pour le public, on passera sur son infidélité passagère.
Finalement, leur lien sacré n’a pas volé en éclat puisque Jay-Z et Beyoncé reprennent leur jet privé avec le OTRII Tour, pour aller à la rencontre de leur public adoré dans les plus grandes villes du monde. Sauf que les Carters ressemblent aujourd’hui davantage à une badbirl de luxe et au Basquiat du rap que des rebelles Bonnie & Clyde de 2002. Depuis le temps qu’ils trava… hum, vivent ensemble, les voir sortir un album commun n’aurait rien eu d’étonnant. Everything Is Love n’est pas une réelle surprise, c’est juste que comme pour BEYONCE fin 2013, personne n’a été prévenu. Sans attendre une seconde, l’écoute est enclenchée avec « SUMMER« , donnant une vision gênante des Carters faisant l’amour sur la plage au soleil couchant (vous avez vu leurs photos d’ailleurs?). C’est un album de vacances de multi-millionaires ou bien? Toujours est-il que leur lune de miel continue avec un nouveau tour du monde.
Cette culture du secret est devenu une règle d’or chez eux. Toute leur image est protégée, cloisonnée, calculée, étudiée et diffusée comme ils le souhaitent. Nul besoin de s’attarder dessus, beaucoup de journaux ont décrypté de différentes façons le clip de « APESHIT » tourné au Louvres, je dirai juste que leur niveau de communication est : présidentielle. Bien plus que le couple Obama. Et c’est ce qui force notre intérêt pour leurs derniers albums depuis le début de la décennie, puisqu’il n’y à qu’à travers leurs chansons qu’on découvre leur vie et leurs idéaux, rendant leur influence plus efficace que jamais. Surtout la reine Beyoncé, il suffit qu’elle lève le petit doigt pour que ses adorateurs se mettent en ordre de formation. Pareil pour son homme. Pour Everything Is Love, on pourrait penser qu’elle lui a intimé « chéri, c’est moi qui rappe et toi tu fais le featuring et les adlibs ». OK ce sont Offset et Quavo qui font ceux de « APESHIT » (produit par Pharrell qui y a va pied au plancher à défaut de paraître insipide) mais sur les autres titres c’est Jay-Z qui s’y colle, en particulier sur le relativement accrocheur « NICE« , aussi produit par un Pharrell Williams toujours en mode trap (un instru qui ressemble drôlement à « Neon Guts » de Lil Uzi Vert). Bey se fait remarquer dessus en balançant un « fuck you » à Spotify, mais elle a dû ranger son majeur, contredite par le fait que finalement l’album a été mis à disposition sur la plateforme concurrente de Tidal.
Entendre Beyoncé rapper, ça pour une surprise, le même effet que pour Rihanna sur « Lemon » des NERD. L’écouter reprendre le refrain de « Still D.R.E » sur « 713 » (l’area code de Houston) a de quoi nous faire vriller sur place, tandis que Jigga reprend quelques rimes de « The Light » de Common. Le rappeur reprend l’ascendant niveau temps de parole sur ce morceau, comme sur le soulful « BLACK EFFECT » où il scande « I’m good on any MLK boulevard ». Bonne pioche cet instru des Cool & Dre (qui n’ont jamais disparu). Mais pas qu’au niveau du temps de présence. Autant B étonne par sa prestance en tant que rappeuse qui se gratte les couilles (que ce soit sur « APESHIT« , « BOSS« , « NICE« , « 713« …), son imitation des phrasés actuels manquant de naturel se fait éclipser face au flow phénoménal de Jay-Z. Cela faisait des plombes qu’on n’avait pas entendu le God MC à un tel niveau, quelle technique bon sang ! La balance penche souvent du côté (t)rap musicalement parlant, d’ailleurs ça fait plaisir de les entendre sur « LOVEHAPPY » (produit par Dave Sitek).
Curieusement, c’est pourtant la Godess B qui attire les feux des projecteurs. Beyoncé est à l’avant-plan à chaque fois qu’on entend sa voix, Jay-Z n’étant là que pour le soutien en faisant ce qu’il sait faire de mieux, comme sur « BOSS » qui dispose d’une bien belle production (avec des choeurs moelleux très travaillés). Sans doute parce que B affiche un côté m’as-tu-vu et l’arrogance d’un rappeur bourré d’égo, mais à leur hauteur, c’est-à-dire au dessus des cieux, le duo finit par agacer par leur condescendance, et « HEARD ABOUT US » est la goutte de trop. Aucun souci par rapport à leur fierté, leur réussite conjuguée, c’est génial tout ce que les Carters ont réalisé durant leurs carrières respectives. Le problème est simplement qu’on se demande « qu’a-t-on fait de nos vies insignifiantes durant toutes ces années »? Ecouter leur musique, leur histoire en musique désormais, avec l’émerveillement superficiel que suscite la faste vie des stars. En parlant de ça, « FRIENDS » permet de faire le tri dans leur entourage et Kanye West n’en fait plus partie, lui qui avait croisé les bras en boudant également avec « Real Friends » sur Life of Pablo.
Redescendons sur Terre deux minutes maintenant. Pas la peine de commenter outre mesure, Everything is Love est à des miles d’être un album pharaonique. Par contre un crossover (t)rap/r&b plus qu’acceptable et dans l’air du temps de la part de Beyoncé & Jay-Z, pas de problème sur ce point. Ce ‘Best of Both Worlds’ masculin/féminin donnera un argument supplémentaire pour aller remplir les stades.