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Sans un bruit (2018), John Krasinski

Par Losttheater
Sans un bruit réalisé par John Krasinski

Sans un bruit de John Krasinski arrive dans nos salles deux semaines après Hérédité d’Ari Aster. Les deux films ont tous les deux caracolés en tête du box-office US, cependant ils ont pour différence leur qualité artistique respective. Car au-delà de son concept plus ou moins impressionnant, Sans un bruit n’arrive jamais à se défaire de cette sensation d’être coincé le cul entre deux chaises. Alors qu’Ari Aster nous proposait un film radical dans sa terreur, innovant dans sa mise en scène et ne cherchant jamais à convaincre le spectateur que ce qu’il est entrain de voir est ultra cool, Krasinski, quant à lui, trébuche les pieds dans le tapis à plusieurs occasions.

Le silence règne, limite fantomatique. La famille Abott tente de survivre face à des créatures qui ont infesté la planète et qui sont sensibles au moindre bruit plus fort qu’un murmure. Et si par mégarde, le son éclate, c’est une mort brutale qui vous attend. Le film s’ouvre d’ailleurs sur la perte d’un membre de la famille qui n’a pas pu résister à l’appel du bruit. C’est que le silence pèse et devient difficilement contenable. Un ballet de discrétion, de mutisme, de calme et de soupirs s’ouvre alors devant nos yeux. John Krasinski (ici réalisateur et acteur) tente d’exploiter au maximum la source silencieuse. Toute source sonore devient alors tendue et dangereuse. Un plancher qui craque, le tintement d’un verre ou une porte qui claque sont vecteurs de peur et de risque jusqu’au moment fatidique où un objet tombe par inadvertance. Le film culmine de ces moments où les jumps scare viennent saisir le spectateur. Il y a donc un malaise constant qui parchemine Sans un bruit. La ligne du silence qui nous protège s’apprête à être brisée à chaque instant. Cet effet sonore relève de la meilleure idée du film qui s’associe brillamment avec le hors-champ visuel où, tapis dans l’ombre, la menace pèse.

Le principe peine tout de même à tenir sur la longueur, rendant de plus en plus mince l’utilisation du hors-champ alors que la menace devient de plus en plus persistante. C’est à partir de là que John Krasinski montre ses plus grandes faiblesses. Alors que les moments de silence et l’utilisation du langage des signes s’affirmaient comme les plus beaux moments du film et soulignaient le mal-être des rapports humains de la famille, l’utilisation d’une musique composée par Marco Beltrami vient bousculer les codes. Malgré un score parfaitement soigné, cette musique bourdonne à des moments de faux suspense tout en essayant de malmener le spectateur. Ce qui rend à plusieurs occasions la structure superflue. Comme si le concept devenait trop pesant pour les épaules du réalisateur, il permet à l’intrigue de tout éclater aux moyens de pétards et de feux d’artifices. La diversion par le bruit vient malmener l’entreprise, faisant tomber à plat tout ce qui avait été alors construit dans la première partie du film. Sans un bruit devient alors victime du système hollywoodien. Son concept ravalé par la machinerie toute puissante, et l’ambition honnête et prometteuse de John Krasinski écrasée par une volonté de tout faire péter. Une succession de bruits, de musique omniprésente ou même de dialogues viennent secouer un silence qui nous paraissait pourtant bien plus terrifiant que cet alignement de surenchère. On en attendait peut-être trop. De cette première partie aux sueurs froides poétiques, reste un ersatz d’un film d’horreur comme on en a déjà vu un tas ces dernières années. Heureusement, quelques beaux moments dramatiques viennent nous émouvoir. Qu’ils proviennent de la relation compliquée entre un père et sa fille ou la volonté d’un couple de commencer à repeupler la planète, le cocon familial devient source à soigner des maux causés par le deuil. C’est dans cet exercice que Sans un bruit réussit le mieux son pari du silence.

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