Vous avez probablement déjà assisté à des présentations en amphithéâtre où est expliquée la énième réorganisation à venir : point de situation alarmiste, chiffres démontrant l’urgence de changer pour devancer les concurrents, projections ambitieuses sur les cinq années à venir, courbe du changement, … rien ne manque. Ou plutôt si. Il manque bien souvent les émotions. Habitués aux raisonnements et prises de décision analytiques, cadres dirigeants et consultants ont souvent tendance à privilégier les arguments factuels et les données chiffrées pour impulser le changement. Certes, cette dimension est nécessaire et a des vertus pédagogiques, mais elle donne rarement envie de s’investir dans le changement.
Nancy Duarte, dans son ouvrage Vibrations, s’étonne de ce paradoxe : nous utilisons et recherchons constamment des émotions dans les publicités, les émissions télévisées ou même les menus de restaurant. Mais dès lors qu’il s’agit de conduire le changement, nous oublions le pouvoir des émotions et privilégions les données brutes, négligeant ainsi un puissant levier de changement :
« Les consommateurs sont hautement réceptifs à l’appel aux sentiments et plus que disposés à répondre émotionnellement à une présentation. Pourquoi donc ne présentons-nous pas des émotions ? Parce que cela met mal à l’aise. C’est un talent très difficile à maîtriser pour un professionnel habitué à penser de façon analytique. Il est aisé de se dire : « Je ne suis pas payé pour ressentir, mais pour penser. » Ce n’est pas faux. Mais si votre équipe n’est pas motivée pour aller de l’avant ni vos consommateurs pour acheter votre produit, vous aurez du mal à survivre.
Inclure de l’émotion dans une présentation ne signifie pas qu’il faille la diviser rigoureusement en deux parties, l’une concernant les données et l’autre les sentiments. Cela ne signifie pas non plus qu’il faille prévoir un paquet de mouchoirs par personne. Cela signifie tout simplement que vous devez introduire un élément humain dans le fil de votre discours, qui entre en résonance avec les désirs de l’auditoire. Provoquer une réaction viscérale dans le public est moins compliqué qu’il n’y paraît, à condition de bien maîtriser l’art narratif.
(…) Si vous êtes comme de nombreux professionnels, utiliser des histoires pour créer un lien émotionnel vous semble peu naturel parce que cela exige de se rendre quelque peu vulnérable devant des personnes que vous ne connaissez pas. Raconter des anecdotes personnelles est particulièrement difficile, parce que celles qui valent la peine d’être racontées font souvent référence à des événements qui ne vous mettent pas forcément en valeur. Cependant, ces histoires sont les plus susceptibles de pousser votre auditoire au changement. Les gens aiment suivre un leader qui a relevé des défis dans sa vie privée et ose faire part de sa lutte, de ses succès ou de ses échecs sous forme narrative.
L’information est statique ; les histoires sont dynamiques. Elles aident le public à visualiser vos activités et vos convictions. Racontez une histoire, et vos auditeurs se sentiront davantage inclus et seront donc plus réceptifs aux idées que vous leur communiquez. Les histoires ont le pouvoir d’aller droit au cœur de l’autre. Valeurs, convictions et normes s’entremêlent. Lorsque cela se produit, votre idée peut acquérir une plus grande réalité dans l’esprit du public. »
Savoir raconter une histoire est un art difficile mais qui se développe par l’observation et par la pratique. Ecoutez bien le début des conférences de type TED et TEDx : très souvent l’orateur commence par une anecdote personnelle drôle ou émouvante ou surprenante. Il crée ainsi un lien émotionnel avec vous et vous amène à écouter pendant une vingtaine de minutes un sujet improbable d’épigénétique, de musique ou d’astrophysique.
Lors de votre prochain séminaire, comment pourriez-vous inclure une histoire personnelle dans l’introduction pour sortir du traditionnel « merci d’être là » ?