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Ciné-Journal #8 : Un chat qui fume avec Michele Soavi et Dario Argento.

Publié le 08 juillet 2018 par Franck Lalieux @FranckLalieux

L'un des fournisseurs de cinéma de genre en BluRay les plus passionnants du moment, Le Chat Qui Fume, m'attire une fois de plus en proposant dans sa collection italienne deux films de Michele Soavi.

C'est Dario Argento lui-même, qui à plusieurs reprises l'embaucha en tant qu'assistant et second assistant réalisateur, qui lui donna l'opportunité de réaliser ses propres films.

Soavi, je ne le connaissais que d'une seule oeuvre - dont j'avais découvert l'existence grâce à une critique sur feu l'excellent site web DVDRAMA - Dellamorte Dellamore, dont j'admirais alors l'étrange beauté macabre, une fois téléchargé en DivX. D'ailleurs, mon souhait de le voir restauré dans une belle édition BluRay fut apparemment presque exaucé par ce même chat fumeur mais, malheureusement, le projet est pour le moment abandonné.

Ciné-Journal #8 : Un chat qui fume avec Michele Soavi et Dario Argento.

Les éditions de Sanctuaire et de La Secte, en tout cas, sont comme à leur habitude très séduisantes dans leur fourreau cartonné.

Les deux films sont produits et écrits par Argento, entre autres. On retrouve aussi, dans Le Sanctuaire ( La Chiesa en italien), sa fille Asia, personnage clé, toute jeune en ado rebelle fille de sacristain qui a mieux à faire que d'aller prier.

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Le film s'ouvre sur un véritable massacre moyenâgeux perpétré par les chevaliers teutoniques, ordre militaire chrétien, contre des femmes accusées de sorcellerie puis tout un village qui les abritait.

Tous ces pauvres gens finiront dans une fosse commune au dessus de laquelle, pour contenir le démon, les gentils fanatiques religieux construiront une cathédrale dont le secret de la destruction sera scellé dans la bouche même de l'architecte, accusé lui d'être alchimiste, ce qui est à peu près aussi mortel que d'être une sorcière.

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Il ne fait aucun doute que la beauté picturale des plans fait partie des atouts des films de Soavi. Mais surtout, c'est l'atmosphère onirique, entre brumes et cauchemars, qui frappe les sens. Comme les personnages, le spectateur se demandera régulièrement si ce qu'il vient de voir appartient à la réalité ou si c'est de l'ordre de l'hallucination.

Il y a visiblement une passion distillée dans le film pour l'architecture des cathédrales et ses mystères ésotériques, et toute l'histoire semble la métaphore de l'idée selon laquelle le bien ne peut exister sans le mal (Dieu sans le Diable, la cathédrale qui s'élève sans ses profondeurs délétères...).

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D'ailleurs, le rapprochement (assumé par Hitler) fait entre l'ordre Teutonique et les nazis, par un dialogue de l'évêque mais surtout par cette image de fosse commune, suggère le caractère cyclique des grands maux de l'humanité, et que la folie et la barbarie sont bien souvent à chercher du côté de ceux qui se veulent les dépositaires de l'ordre et de la morale.

Je n'ai pu m'empêcher, par l'intermédiaire d'une séquence, de faire un rapprochement entre ce film et Obsession de Brian De Palma. Il me semble, d'après mes souvenirs, que dans ces deux films les personnages masculins rencontrent des restauratrices dans les mêmes conditions et dans des lieux similaires.

C'est peut-être que l'influence de De Palma commençait à se faire sentir en Europe...

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J'enchaine ensuite avec La Secte, La Setta en italien, sorti deux ans après La Chiesa. Fort de l'expérience du film précédent, je ne suis pas totalement dépaysé.

Il semble que Soavi aime à travailler le négatif d'institutions et/ou de phénomènes sociétaux. Ainsi dans La Secte, le film s'ouvre en 1970 sur une communauté de hippies aux États-Unis, qui va se faire massacrer par un Jésus-Christ maléfique qui cite volontiers le Sympathy For The Devil des Stones et ses adeptes aux motos vrombissantes.

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On reconnait là la fin des utopies libertaires américaines avec l'émergence du négatif de ces communautés, la secte de Charles Manson (mêmes barbe et cheveux longs), la Manson Family, parallèle d'autant plus évident que le leader dans le film n'aura de cesse d'évoquer à l'héroïne son appartenance à sa nouvelle " famille ".

On y retrouve une atmosphère souvent à l'orée du rêve et du cauchemar, l'un menant à l'autre, percée d'images graphiquement dérangeantes.

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Le réseau secret de cette secte internationale trouve une métaphore visuelle dans la maison qu'habite Miriam, avec ses étranges tuyaux que l'on suit jusqu'au sous-sol et qui conduisent à un puits fantastique, décrit comme une porte vers l'Enfer. D'ailleurs, bien souvent c'est le lapin blanc, échappé d' Alice Aux Pays Des Merveilles avec sa cabane sur laquelle est peinte une horloge, qui y mène les personnages.

Le final atteint une certaine furie flamboyante, pourrait-on dire, et laisse entrevoir, comme le faisait Sanctuaire avec le sourire mystérieux de Joconde d'Asia Argento, les possibilités d'une suite.

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Pour terminer dans la même ambiance, j'avais hâte de conclure la trilogie du maitre Argento entamée avec les fabuleux Suspiria et Inferno. Quelle déception. Il est bien difficile de déceler dans Mother Of Tears les liens de parenté avec ses illustres prédécesseurs. Certes, l'histoire nous emmène sur les traces de la troisième sorcière, Mater Lacrimarum, dans une Rome en proie au chaos.

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Mais le cinéaste ne se donne même pas la peine de réfléchir à l'esthétique du film, ou alors s'il le fait, c'est pour aboutir à des choix d'une laideur repoussante, étalant de la tripaille à l'écran comme n'importe quelle série Z dans un style visuel proche du plus mauvais téléfilm de Mick Garris. Même Asia Argento semble complètement perdue dans cette histoire abracadabrante et ne peut sauver le film du naufrage total. Dommage.

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