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(Anthologie permanente) Michèle Métail, "Le Cours du Danube, en 2888 kilomètres /vers…l’infini"

Par Florence Trocmé

Le-cours-du-danube_FMichèle Métail a récemment publié Le Cours du Danube, en 2888 kilomètres /vers…l’infini.
Texte qui s’inscrit dans l’immense projet Complément de noms, poème infini commencé en 1972.
Voici un extrait de la préface puis du début du livre, ce dernier proposé sous forme de PDF pour respecter la mise en page au format paysage.
1. Extrait de la préface du livre
COMPLÉMENTS DE NOMS
POÈME INFINI
Since 1972
En septembre 1972, titulaire d'une bourse d'études, je m'installai dans le quinzième arrondissement de Vienne en Autriche, au 18 de la Flachgasse, littéralement ruelle plate, qui était pourtant très en pente. Cette contradiction entre le nom et ce qu'il désignait suscitait donc l'étonnement. Des édiles peu soucieux d'accorder le sens des mots à la géomorphologie honorèrent ainsi monsieur Flach, juge local au dix-neuvième siècle. Mon séjour commençait par un jeu sur les mots, une catachrèse toponymique.
Quelques semaines plus tard, alors que je longeai le canal du Danube, je découvris une enseigne sur un bâtiment administratif : « DDSG » : DonauDampfschifffahrtsGesellchaft. Aussitôt me revint en mémoire ce mot que les enfants répètent pour s'amuser : der Donaudampfschifffahrtsgesellschaftskapitein. Il montre la possibilité qu'offre la langue allemande de créer des mots composés à volonté. Le soir même, j'expérimentai la concaténation. Accrocher un nouveau mot au précédent.
L'accumulation produisit vite un monstre dans lequel s'enchevêtraient les mots. En revanche la traduction de ce mot de départ semblait plus intéressante. En français l'énumération inverse l'ordre des mots et elle les sépare, le génitif est un complément de nom : Le capitaine de la compagnie des voyages en bateau à vapeur du Danube. Pour éviter l'effet kyrielle en accumulant simplement de nouveaux substantifs, il fallait se donner une règle. Par exemple, conserver le même nombre d'unités à chaque nouveau mot introduit, ce qui impliquait d'en supprimer un en contrepartie. Après introduction de six nouveaux substantifs la phrase de départ avait disparu, le capitaine avait été poussé vers la sortie :
le capitaine de la compagnie des voyages en bateau à vapeur du Danube
la femme du capitaine de la compagnie des voyages en bateau à vapeur
la fille de la femme du capitaine de la compagnie des voyages en bateau
le chien de la fille de la femme du capitaine de la compagnie des voyages
la niche du chien de la fille de la femme du capitaine de la compagnie
le tapis de la niche du chien de la fille de la femme du capitaine
la couleur du tapis de la niche du chien de la fille de la femme

La structure isométrique à six unités constituait un vers. Le poème serait infini, car un mot en appelle toujours un autre. L'objectif serait une exploration du langage à travers la diversité des langues, vivantes, mortes, techniques ou inventées, des patois, des dialectes... Employer une seule et unique fois tous les substantifs recensés, introduits comme « sujet » en tête de vers, puis s'éloignant par ricochets de compléments de nom.
(...)
2. Les trois premières pages du livre.
Poezibao propose le début du livre sous forme de fichier PDF, à ouvrir d'un simple clic sur ce lien. .

Michèle Métail, Le Cours du Danube, en 2888 kilomètres /vers…l’infini, Les Presses du Réel, Al Dante les irréconciliables, 2018, 144 p., 17€
Sur le site de l’éditeur : « Un long poème vertigineux, virtuellement infini, de Michèle Métail, construit sur le principe de la concaténation et des « ricochets » de compléments de nom : une exploration rigoureuse du langage construite comme une partition, inspirée des techniques de montage de la musique électroacoustique, pour se rapprocher d'une musique verbale. »
(Sur le site de l’éditeur on peut voir la reproduction de quelques pages du livre.)


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