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La bibliothèque, la nuit

Publié le 16 juillet 2018 par Pralinerie @Pralinerie

Alberto Manguel... Le nom vous dit peut-être quelque chose.Amoureux des livres et bibliothécaire, il y a eu récemment à la BNF une expo portant le même titre que l'ouvrage que je viens de terminer - et inspirée de celui-ci.

La bibliothèque, la nuit

Dans cet ouvrage, il est question de bibliothèques. Celle de l'auteur, bien sûr. De ses premiers ouvrages de jeunesse sur une étagère à la grange retapée pour accueillir ses milliers d'ouvrages. Il parle des bibliothèques historiques et mythiques, comme Alexandrie. Un peu de classement et de bibliothéconomie. Un tout petit peu d'Internet et de numérisation (mais rarement en bien). De bibliothèques rêvées ou imaginaires, aux livres eux aussi possiblement imaginaires. Il parle d'amour du livre, de relation au livre, mais aussi de relation au monde, à l'autre.

Plutôt que de décrire, j'ai préféré vous proposer des morceaux choisis de certains chapitres. Sachez que ces titres renvoient à autant d'aspects des bibliothèques, du lieu d'éducation, et d'imagination, au lieu physique et architectural, des lecteurs aux encyclopédistes, des maniaques aux désordonnés...

"Il existe un vers d'un poème, une phrase dans une fable, un mot dans un essai par quoi mon existence est justifiée ; qu'on trouve cette ligne, et mon immortalité est assurée"

"Alexandrie et ses lettrés, par contre, ne se sont jamais mépris sur la vraie nature du passé ; ils savaient que le passé était la source d'un présent toujours en mouvement où de nouveaux lecteurs se plongent dans de vieux livres qui deviennent neufs en cours de lecture. Chaque lecteur existe afin d'assurer à un livre donné une modeste immortalité. La lecture est, en ce sens, un rituel de renaissance"

"Le système alphabétique est entré dans les bibliothèques de l'Islam grâce aux catalogues de Callimaque [...] Les bibliothèques qui se développèrent à la fin du Moyen Âge étaient cataloguées par ordre alphabétique"

"Si une bibliothèque est un miroir de l'univers, alors un catalogue est un miroir de ce miroir"

"Toutes les bibliothèques sont affligées de ce besoin de grandir afin d'apaiser nos fantômes littéraires, "les morts anciens qui surgissent des livres pour nous parler" (ainsi que les décrivait Sénèque au Ier siècle de notre ère), de se déployer et d'enfler jusqu'au jour inconcevable où elles contiendront tous les volumes jamais écrits sur tous les sujets imaginables"

"Il se rend compte que son projet n'était pas impossible mais seulement redondant. L'encyclopédie mondiale, la bibliothèque universelle existe, et c'est le monde même"

"Si chaque bibliothèque est en un sens un reflet de ses lecteurs, elle est aussi une image de ce que nous ne sommes pas et ne pouvons pas être"

"Toute bibliothèque, du simple fait de son existence, évoque son double interdit ou oublié, une bibliothèque invisible mais impressionnante, composée des livres qui, pour des raisons conventionnelles de qualité, de sujets ou même de volume, ont été jugés indignes de survivre sous ce toit en particulier"

"Il était clair, dans l'esprit des chinois, que l'une des prérogatives du conquérant était non de réduire au silence, mais bien d'adopter les réalisations des cultures vaincues et de s'en enrichir"

"Les livres que nous gardons à portée de main sont objets de magie. Les histoires qui se déploient dans l'espace du cabinet d'un écrivain, les objets choisis pour monter la garde sur un bureau, les livres sélectionnés rangés sur les étagères, tout cela tisse un réseau d'échos et de reflets, de significations et d'affections qui suscitent chez un visiteur l'illusion que subsiste entre ces murs quelque chose du maître des lieux, même si ce maître n'est plus"

"Chaque lecteur a trouvé les charmes grâce auxquels on peut prendre possession d'une page qui, par magie, devient comme jamais lue, fraîche et immaculée. Les bibliothèques sont les chambres fortes, les coffres aux trésors qui recèlent ces charmes"

"Les livres peuvent parfois nous enseigner à poser nos questions, mais ils ne nous rendent pas forcément capables d'en déchiffrer les réponses. Au moyen de voix rapportées et d'histoires imaginées, les livres nous permettent seulement de nous rappeler ce que nous n'avons jamais subi et jamais connu. La souffrance elle-même n'appartient qu'aux victimes. Tout lecteur est donc, en ce sens, l'Étranger"

"Les collections de livres imaginaires nous enchantent parce qu'elles nous offrent le plaisir de la création sans la peine de rechercher ni d'écrire. Mais elles sont perturbantes aussi, à double titre - d'abord parce qu'on ne peut pas prendre les livres en main, et ensuite parce qu'on ne peut pas les lire. Ces trésors prometteurs doivent rester interdits à tous les lecteurs"


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