Cela reste à voir. S'il s'agit d'une consécration, remettant le metteur en scène sur le devant de la scène et le laissant repartir auréolé de prix prestigieux, le film peine toutefois à convaincre les spectateurs scrupuleux ou exigeant. Car si n'en a pas l'impact, ni la puissance expressive ou même la portée. Construit comme un film d'épouvante lambda, parsemant sa mise en place de sous-entendus évidents, dans un décor trop incongru pour être honnête (une vraie ferme du MartyrsGhostlandManitoba utilisée comme décor réel et encombrée de tant d'objets hétéroclites que c'en devient suspect), il rappelle dans un premier temps les nombreux succédanés de slashers des années 70 et 80. Lorsque la première demi-heure multiplie les jump scares faciles et parfois vains, on finit par se douter qu'il y a, forcément, autre chose que ce douloureux rabâchage de situations éculées. On attend l'impromptu, l'élément fantastique, le virage nauséeux, la plongée dans la folie ou dans l'horreur pure - d'ailleurs, dans certains plans, on croit percevoir l'esquisse de quelque chose de différent, plus tortueux, glauque ou subtil que le tout-venant de l'horrifique. On attend simplement que Laugier se lâche et qu'il quitte ces sentiers trop souvent empruntés de l'épouvante facile faite d'arrière-plans mouvants, de musique ronflante et de mouvements soudains. Mais surtout on ne comprend pas où tout cela nous mène tant c'est balisé et déjà vu. La musique ronflante, le jeu un peu outré des jeunes actrices contrastant avec la placidité décalée de Mylène Farmer, la photo surchargée de détails achèvent de lasser.
C'est alors que le basculement s'opère. Qui sauve le film, condamné jusque-là à n'être qu'une infâme resucée de survivals adolescents, deux jeunes filles et leur mère condamnées à tenter de survivre face à des prédateurs devient un objet filmique différent, alternatif, tout en demeurant fermement campé sur ses positions premières. La réalité se dissout, les certitudes s'estompent, la narration se métamorphose. Tout en conservant son intrigue première, freaks. Dès lors, GhostlandGhostland introduit le questionnement : d'autres acteurs jouent les mêmes personnes, à d'autres moments. On se demande ce qu'il se passe, et ce qui s'est passé. On finit par douter de la véracité des faits observés et on cherche de quoi réécrire le réel. Ca n'est pas nouveau, cela dit, et on retombe assez tôt sur ses pattes : on se souvient peut-être de Sucker Punch par exemple (mais d'autres références guideront aisément les spectateurs assidus). Ce qui est désormais certain, c'est qu'il y ait de la maturité dans le langage de Laugier, et une forme de sagesse dans ce qui passait autrefois pour du jusqu'auboutisme, de la raison venant tempérer cette forme d'acharnement qui plaisait aux uns et gênait les autres. Certes, ça n'a pas la saveur révolutionnaire de ce qu'on aurait pu attendre d'un réalisateur aussi précieux, et tant la portée comme l'objectif manquent cruellement d'ambition au bout du compte. L'hommage appuyé au grand Howard Phillips Lovecraft peut agacer, ou au contraire éclairer différemment le cheminement de l'une des héroïnes tout en flattant la culture de l'amateur de littérature fantastique ou le rôliste rongeant son frein.
auraient pu conduire à une œuvre plus ingénieuse et, surtout, plus unique. Il se suit cependant avec intérêt même si on a bien du mal à se passionner. Ghostland intrigue, mais ne surprend pas, fascine mais ne terrifie pas. Aux confins de ces réalités illusoires, d'autres que Laugier y ont construit des partitions plus belles ou plus singulières, néanmoins celle-ci a au moins le mérite d'exister, s'exprimant avec élégance et style.