Chaque 15 jours, Africultures propose son coup de coeur littéraire dans le Journal Afrique sur TV5 monde. Focus, avec la journaliste et chercheure Alice Lefilleul sur Njinga histoire d’une reine guerrière (1582-1663), de Linda M. Heywood.
Ce livre d’histoire, écrit par une universitaire, professeure à l’université de Boston (Etats-Unis) sort fin août aux Editions La Découvertte. Il retrace la vie plutôt méconnue d’une femme pourtant très puissante, la reine Njinga.
Njinga est une reine ayant vécu au 17ème siécle, son royaume, le N’dongo se situe au sein de l’actuel Angola. Elle a lutté toute sa vie contre les colonisateurs portugais qui ravageaient la région, notamment pour alimenter leur trafic d’esclave déportés vers le Brésil.
L’auteure propose une biographie de la reine et décrit la situation géopolitique de la région à cette période, les enjeux d’alliances entre les colons et les royaumes pré-coloniaux, l’influence du christianisme et la résistance des spiritualités traditionnelles. L’auteure fait quelques parallèles avec les sociétés européennes de la même époque ce qui inscrit réellement cette histoire d’un territoire africain dans une histoire mondiale.
Njinga est une femme, reine et guerrière
Njinga s’est imposée dans la région par son intelligence guerrière. Elle accéda au trône puis protégea son territoire en fine stratège mais n’hésitait pas non plus à faire usage d’une force cruelle. Féroce à la bataille, elle alla même jusqu’à faire assassiner ou tuer elle-même plusieurs de ses proches pour asseoir son pouvoir.
Elle rejoint également la secte des Imbangala, réputée pour pratiquer le cannibalisme et les sacrifices humains, afin de combattre plus efficacement les Portugais.
Mais cet essai nous dresse un portrait plus nuancé que celui d’une tyran prête à tout. Njinga est décrite comme une personnalité complexe et qui joue avec les codes de sa société Mbundu et ceux du christianisme (elle s’est convertie pour faire alliance avec les portugais). Elle est surtout une femme puissante, qui éclate les rôles féminins à laquelle on voudrait la conformer. Par exemple, en prenant des amants et des amantes, en épousant un homme à qui elle somme de s’habiller en femme. Mais aussi, bien sûr en se battant avec autant d’adresse et de force qu’un homme, et en négociant d’égal à égal avec ses adversaires.
À ce propos, une scène éloquente est d’ailleurs décrite dans le livre et surtout expliquée dans la préface, par l’historienne Françoise Vergès. Elle raconte comment, alors qu’elle n’est pas encore reine, elle est envoyée par son frère comme ambassadrice pour négocier avec les Portugais, à Luanda. Elle se présentera là-bas vêtue de ses plus beaux atours – symboles de sa noblesse et de son africanité. Mais c’est surtout sa réaction qui fait l’effet d’une bombe. Lorsqu’elle comprend qu’on lui a réservé un simple tapis alors que le Portugais va s’asseoir sur un beau fauteuil elle demande à une de ses suivantes de se tenir à 4 pattes, pour lui servir de siège. Avec ce geste Njinga rompt avec l’idée d’une Afrique soumise à ses oppresseurs et démontre comment deux femmes peuvent s’allier pour tenir tête au colonisateur.
Cet essai, très riche et bien traduit de l’anglais vers le français, se lit facilement. On peut choisir de le lire en plusieurs fois, ou en une fois comme un bon roman au personnage principal enthousiasmant!