
Carmen est l'opéra le plus joué au monde. Ce fut pourtant ce qu'on appelle un bide à sa création. Parce qu'on jugeait tout à fait indécente la volonté de la jeune femme de séduire.
Huit ans après Patrick Poivre d'Arvor cette héroïne est de nouveau à l'affiche d'Opéra en plein air. C'est cette fois Radu Mihaileanu qui en signe la mise en scène. J'attendais un manifeste féministe, dans la lignée de La source des femmes, que j'avais tellement plébiscité au cinéma.
Cette session est un bon cru. J'ai entendu quelques reproches au décor, trop sobre au goût de certains. C'est précisément la qualité que je lui reconnais. Quand on dispose de monuments historiques comme fond de scène il n'est pas nécessaire de surcharger le plateau, surtout avec des éléments ultra contemporains.
Par contre l'accent est mis sur les costumes, et là encore j'approuve. Ils sont magnifiques et très colorés. Notamment le toréador qui sera habillé sur l'air du Quadrille. Avec cependant une interrogation sur la couleur de la jupe de Micaela que le livret annonce bleue ... et que l'on découvre totalement différente, rouge carmin. Un détail ...

Les choeurs des enfants comme des cigarières sont très beaux, parfaitement harmonieux. Les chorégraphies tout autant réussies.
Cet opéra est marqué par la passion, la jalousie et la liberté. Les personnages osent leur sensualité. Ces sentiments sont exacerbés et paradoxalement, la musique de Georges Bizet est simple, avec une ligne mélodique d'une telle fluidité que tout le monde connait plusieurs airs par coeur, ce qui est très agréable.
C'est sur l'air célébrissime de l'amour est un oiseau rebelle que le public découvre Carmencita. Les scènes d'intimité sont jouées au premier plan, devant les musiciens et l'émotion s'en trouve renforcée.
L'acte II s'achève sur une ode à la liberté dans un nuancier de rouges. Après l'entr'acte ce sont les tons bleutés qui vont dominer. La pauvreté et la guerre civile sont sous-jacentes. La pièce mérite une lecture politique. Carmen réaffirme son point de vue : je ne veux pas être tourmentée, commandée, mais être libre.
Carmen devait initialement être une comédie mais le drame s'y est faufilé. les cartes annoncent la mort ... pour les deux protagonistes principaux.




Cette Carmen offre encore une certaine modernité en ce sens qu'elle témoigne d'un conflit culturel entre deux mondes qui n'ont pas les mêmes valeurs ni les mêmes codes, Don José, issu de l'armée, et Carmen, née bohémienne. On aurait envie de croire le contraire mais l'amour n'évite pas le drame.
Il m'a semblé que quelques libertés avaient été prises avec le livret en faisant alterner les voix chantées avec des épisodes récités (et c'est très bien ainsi d'ailleurs). Par contre, mille fois hélas, la fin reste intangible. Carmen meurt.
Est-ce le prix à payer pour son intransigeance ? Je rêve d'un opéra qui ne s'achèverait pas dans le sang. S'il n'existe pas il faudrait l'écrire !
Une opération comme Opéra en plein air assure la promotion de cet art auprès d’un nouveau public et notamment des jeunes qui n'oseraient peut-être pas franchir la porte d'un établissement dédié à cet art. Puisse longtemps encore une telle oeuvre enchanter nos soirées estivales !
