Critique de J’entrerai dans ton silence, de Hugo Horiot et Françoise Lefèvre, vu le 20 juillet 2018 au Théâtre du Balcon
Avec Camille Carraz, Fabrice Lebert, et Serge Barbuscia, dans une mise en scène de Serge Barbuscia
Il est dur, dans ce OFF 2018, d’échapper aux sujets sérieux – d’aucuns diraient même glauques ; c’est l’un des OFF aux sujets les plus funèbres que j’ai vus. Beaucoup de sujets bien actuels comme la radicalisation ou le jihadisme, beaucoup de sujets politiques évidemment, mais aussi des sujets sociétaux, comme celui de l’autisme dans J’entrerai dans ton silence. Le sujet de la différence étant de ceux qui m’intéressent, c’est au Théâtre du Balcon que se conclura mon Festival cette année.
Les deux auteurs du texte sont mère et fils. Diagnostiqué Asperger, il ne comprend pas le monde dans lequel il vit. Il y est comme un étranger. Les règles qui le façonnent ne lui parlent pas. Mais elles semblent tout aussi obtuse pour sa mère, lorsque celle-ci apprend par exemple qu’elle devra attendre les six ans de son fils pour consulter un médecin. Face à la rudesse du monde extérieur, c’est en eux qu’ils devront trouver la force de continuer. Alors il faudra trouver le moyen de se comprendre mutuellement.
Sur scène, des colonnes entourent un lit placé au centre, qui sera le refuge du jeune homme. Symbolique d’un enfermement certain ou d’un ring à franchir pour enfin être accepté par le monde « normal », le mystère reste entier. Mais c’est bien contre ce monde-là que se dressent nos trois protagonistes – le metteur en scène aura d’ailleurs à la fin ce beau mot dont l’auteur m’échappe momentanément : « un être humain est ou normal ou vivant ».
La normalité, c’est évidemment aussi le reste des spectateurs. Mais nous sommes là pour comprendre, et les trois comédiens le rendent bien. Ce qui touche particulièrement, c’est que toute communication semble se faire uniquement mentalement et presque même par le silence, comme le titre nous amène à le penser. Aucun signe de tendresse ne viendra de manière démonstrative et pourtant le jeu de Camille Carraz en déborde. Son amour inonde son fils, l’entoure, le protège. Fabrice Lebert est un Hugo authentique, ne tombant jamais dans le pathos mais présentant un je-ne-sais-quoi de différent. Enfin, Serge Barbuscia vient compléter ce duo avec beaucoup de pudeur, qui vient parfois, comme la vie, interrompre leurs pensées.
C’est un long silence qui viendra ponctuer le spectacle. Mais pas un silence de mort. Un beau silence de vie.