Gustave Courbet aimait inclure dans certains de ses tableaux des détails qui offraient au regardeur perspicace des clefs de lecture, au point que l’on a parfois pu parler à ce sujet de « tableaux cryptés ». Parmi ceux-ci, L’Atelier du peintre se présente comme l’un des plus beaux exemples d’énigme picturale. Que signifie cette composition complexe, en triptyque, si proche des versions du Jugement dernier qu’on vit se multiplier aux XVe et XVIe siècles – le peintre tenant la place du juge ? Quel message se dissimule derrière cette scène de genre, assez fréquemment peinte par les artistes du XIXe siècle, mais que Courbet traite de manière très inhabituelle en y imposant la présence de personnages qui n’avaient rien à faire dans un atelier ? Pourquoi a-t-il inclus cinq femmes (et même six si l’on compte Jeanne Duval qui fut très vite effacée) dans cet univers habituellement masculin – dont un modèle nu tout à fait incongru ? Ce n’est certes pas au peintre lui-même que nous devrons une explication. Dans une lettre célèbre à son ami Champfleury, il écrivait ainsi : « Les gens qui veulent juger auront de l’ouvrage, ils s’en tireront comme ils pourront. » Quant au sous-titre oxymorique qu’il suggérait, « allégorie réelle », il n’est pas davantage de nature à nous éclairer.