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Ecrire

Par Antigone

Ecrire

Tu es si beau mon ange. Mais c’est un crime de t’aimer. Ma famille a été claire. C’est un crime aussi de t’écrire. Tu es l’ennemi, de l’autre côté, pas comme nous, infréquentable. Toutes mes tentatives pour te faire accepter ont été vaines. La tempête a grondé en ma défaveur. J’ai déplacé la lutte, improvisé, tatoué mon corps de ta peau. Un signe visible par manquement dépassé. A chaque fois que je t’ai vu, embrassé, touché. Trois fois depuis l’interdiction. Ils pensent que je veux me rapprocher d’eux, que j’ajoute à chaque tatouage la marque de mon acceptation. Le corps de mon père est recouvert des victoires de notre clan. Elles ne sont pas miennes. Elles ne le sont plus. Ma famille, c’est toi. Tu es si loin mon ange. Le manque de toi court le long de ma nuque, alourdit mes épaules. Je passe à côté de mon été, des rires de mes cousins, de la joie marquée sur les visages. Ils ne se doutent pas du halo qui m’entoure et tourne autour de moi, de notre double regard, du timbre de ta voix dans ma tête. Je suis amoureuse pour la première fois, et c’est comme un incendie qui aurait détruit tout ce que j’étais avant, la petite fille qui pouvait sauter dans l’eau sans se soucier de rien, mon innocence. Je ne peux pas dire que j’aime ça, ma vie est devenue si inconfortable, fébrile. Mais il n’y a aucun retour possible. Tu es devenu mon essentiel et mon urgence. Tu es si beau mon ange. Ce soir nous avons décidé d’une autre rencontre, une autre étoile à rajouter à la naissance de mes cheveux si nous réussissons à nous voir. Tu m’embrasseras là où je tatouerai ma peau demain, à l’endroit même où tes lèvres auront marqué mon épiderme de leur trace brûlante. Je suis en maillot de bain, les cheveux mouillés plein de sel, la mer clapote contre mon ventre. Elle est un peu froide. Ma cousine m’observe. Sur son nez perle des gouttes d’océan. Dans son regard, je vois qu’elle devine, qu’elle sait. Quelque chose dans mon maintien sans doute, dans la raideur de mon corps qui irradie d’attente. Elle se relève et tourne son buste vers le groupe que forment nos parents, amoncellement de draps de bain, de parasols et de glacières. Des rires et des éclats de voix nous parviennent. Son profil se découpe sur le bleu du ciel. J’ai le sentiment que le temps est soudain suspendu, qu’elle tient ma soirée dans le pincement de ses lèvres. Son expression est indéfinissable. Puis elle se retourne vers moi et dans un sourire plonge de nouveau, son mouvement me douchant d’une grande gerbe d’eau.

Crédit photo – Free Sweet Col Lemaire Photos

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