Magazine Culture

Ce qui n'a pas de prix, d'Annie Le Brun

Publié le 06 août 2018 par Onarretetout

9782234085985-001-T

Dès les premières pages, Annie Le Brun rappelle qu’elle a publié il y a dix-huit ans un livre où elle évoquait le « trop de réalité » et continue celui-ci en ces termes : « Le fait est qu’il n’aura pas fallu longtemps pour que ce "trop de réalité" se transforme en un trop de déchets. » Donc de laideur.

Mais elle échappe au procès qu’on pourrait lui intenter : elle dénonce une partie de l’art contemporain non pour une question de goût mais pour ses liens avec l’argent, pour sa complicité avec le pouvoir. Il y a, dans ce livre, plusieurs exemples où des artistes sont liés soit à quelques détenteurs de grosses fortunes soit même à des puissances militaires. J’y ai appris qu’Anish Kapoor a acheté les droits d’un noir absolu. Un artiste peut donc détenir l’usage exclusif d’une couleur, créée par l’armée de surcroît. J’y vois aussi les sacs Louis Vuitton « créés » par Jeff Koons, et les vitrines de Louis Vuitton présentées par ce dernier comme des lieux d’exposition… Elle n’hésite pas à dire que nous sommes réduits, via certaines expressions artistiques contemporaines, à cette servitude volontaire que dénonçait La Boétie. Notre servitude étant le résultat de cette manipulation du beau, consistant à nous imposer ce qu’il faut voir et ce que nous voyons tous, oeuvres nécessairement accompagnées du discours explicatif. Je pense parfois que les commentateurs sportifs ne font pas autre chose, et, le lendemain des diffusions de matchs ou d’épreuves, les mêmes commentaires surgissent partout : dans les transports, les bureaux, dans la rue. C’est souvent semblable pour les questions politiques. Alors, je ne m’étonne pas de lire dans le livre d’Annie Le Brun une référence à 1984, de George Orwell. Mais j’y découvre aussi William Morris mettant en garde ses contemporains du XIXe siècle finissant contre une guerre « incessante, perpétuelle » qui consiste à « détériorer la sensibilité » de l’homme, « au point qu’il ne ressent même pas sa dégradation ». Elle cite également Élisée Reclus, Victor Hugo : « Allez au-delà, extravaguez! »

Elle nous invite à prendre les chemins de traverse, comme ceux de Bruno Montpied, à refuser ceux qui voudraient nous priver de futur et à préférer « l’inachevé dont la plus belle qualité est d’engendrer l’inachevé ».

Le-gazouillis-des-elephants


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Onarretetout 3973 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine