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Un magnifique nouvel opus de Philippe Pierlot dédié à des cantates de JS Bach

Publié le 11 août 2018 par Philippe Delaide

Philippe Pierlot, à la tête du Ricercar Consort, continue, de façon raisonnée et avec l'humilité qui caractérise son approche, sa lecture de cantates de JS Bach. Toujours sous le label Mirare, il aborde, dans son dernier enregistrement, trois cantates dont deux évoquent une thématique chère à JS Bach, à savoir la notion de salut liée à la mort du Christ. Des trois cantates interprétées (BWV 75, 22, 127), la dernière est certainement, à mon avis, la plus en lien avec l'approche "rifkinienne" que Philippe Pierlot adopte. Cette approche qui ne se veut pas seulement esthétique mais en principe la plus proche possible de ce que Joshua Rifkin considérait comme une forme de conformité historique (qui devient inévitablement une doctrine), consiste, rappelons-le, à faire que la partie chorale soit interprétée par l'ensemble des solistes (un chanteur par voix). 

Avant Philippe Pierlot, Sigiswald Kuijken, notamment, s'est aventuré dans cette approche avec la Petite Bande mais avec moins de réussite. Philippe Pierlot adopte une approche semble-t-il différente, à la fois sur le choix des cantates mais aussi sur l'équilibre entre les chanteurs et l'accompagnement orchestral. En outre, la rythmique, la basse continue sont abordés avec plus d'élégance et de naturel et la formation de violiste de Philippe Pierlot ne doit pas y être totalement étrangère. Autre point qui distingue de façon indéniable les versions de Philippe Pierlot : la qualité des solistes et la belle homogénéité de l'ensemble vocal.

Avec ce nouvel enregistrement sous le nom générique de Consolatio, après notamment une Passion selon Saint-Jean qui est devenue une véritable référence, le Ricercar Consort nous marque, dès les premières mesures, par la justesse, l'harmonie de l'ensemble vocal et instrumental avec une rythmique parfaite, admirablement ajustée, un naturel et une respiration impressionnants.

Cover Bach Consolatio

On retrouve le même respect du texte, la même simplicité que dans l'approche de Masaaki Suzuki mais avec une intimité, une impression de proximité supérieures du fait notamment des effectifs plus resserrés (choral et orchestral).

Le contreténor Carlos Mena, fidèle à l'ensemble Ricercar au fil de ses enregistrements, confirme son intelligence du texte, sa sensibilité avec une maîtrise technique, une justesse irréprochables. La soprano Hannah Morrison, avec une voix céleste, cristalline, sublime notamment l'une des arias les plus belles que JS Bach ait écrites (Die Seele ruht in Jesu Händen, de la cantate BWV 127). Le ténor Hans Jörg Mammel, très aguerri au répertoire sacré baroque, est d'une sobriété implacable et s'insère parfaitement dans cette justesse de ton recherchée par Philippe Pierlot, sans affèterie, sans théâtralité. Le baryton basse Matthias Vieweg, n'a certes pas la capacité unique d'incarnation d'un Peter Koij, mais son timbre chaleureux s'inscrit tout à fait dans le corpus vocal.

On notera, comme pour les enregistrements précédents, la qualité remarquable de l'enregistrement (belle spacialisation sans réverbération - précision étonnante tout en maintenant beaucoup de naturel - balance impeccable entre les parties vocales et les parties instrumentales).

Le travail de Philippe Pierlot est remarquable par son intelligence, sa rigueur, sa probité. Il prend le temps de choisir les cantates dont l'écriture s'avère tout à fait compatible avec la configuration d'un chanteur par voix. Je l'inscris indéniablement, même si elle repose sur des choix rhétoriques différents, avec les enregistrements de Masaaki Suzuki et de Philippe Herreweghe, dans les versions de référence (les lecteurs du blog connaissent à quel point, a contrario, la théâtralité excessive des versions de John Eliot Gardiner, menées au pas de charge, ne constituent pas ma tasse de thé).

Je vous renvoie à l'excellente chronique de JC Puceck sur son blog Wunderkammern, consacrée à ce disque, pour un éclairage comme toujours documenté et avisé sur ce disque.

Coup de coeur du poisson rêveur.

Consolatio - Cantates BWV 22, 75, 127 de JS Bach - Ensemble Ricercar dirigé par Philippe Pierlot - Carlos Mena (contre ténor), Hannah Morrison,(sioprano), Jörg Mammel (ténor), Matthias Vieweg (basse) - label Mirare.


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