Titre : La Gueule de leur Monde
Auteur : Abram Almeida
Éditeur : Autoédité
Genre : Contemporain
Format : Epub
Nombre de pages : 167
Sorti le 14 juin 2018
Résumé de l’auteur :
« Lorsqu’un jeune diplômé africain se décide contre tout bon sens à rejoindre la horde de migrants qui tente de traverser la méditerranée pour atteindre l’Europe, on se doute déjà que quelque chose ne tourne pas rond dans ce monde. Mais comme tous ces indésirables fuyants la guerre, la famine ou Dieu sait quelle autre calamité dont seul le tiers monde a le secret, il a ses raisons. Il est pourtant bien loin de s’imaginer ce qui l’attend au cours de son périple où rien, mais alors vraiment rien ne se passe comme prévu.
Dehors il y’a désormais des djihadistes qui redessinent la figure du monde à l’arme lourde, des forces de l’ordre qui ne savent plus où donner de la matraque, des malfrats de tous bords qui font des affaires avec des vies humaines, le tout dans le dos de gouvernements trop occupés à se refiler tout ce monde de misère envahissante.
Notre héros lui ne voit pourtant aucune incohérence à toutes les invraisemblances de ce monde, c’est un Candide des temps modernes. Avec trois compagnons de route aussi touchants que comiques, il arpente les sentiers de la migration sans se soucier de ses dangers. Ces drôles de lurons arriveront-ils au terme de leur voyage?? Celui-ci en vaudra-t-il la peine?? Quoi qu’il en soit, l’Europe n’a qu’à bien se tenir… Ils arrivent?!
Mon avis :
Merci à l’auteur pour m’avoir proposé son roman ! Une lecture intense, dure et drôle à la fois;
Pile au moment où je termine le roman d’Abram Almeida, j’apprends qu’un énième accord est passé entre 5 pays d’Europe pour laisser accoster le fameux cargo sauveteur : l’Aquarius à Malte avec à son bord 141 migrants en détresse.
J’avais déjà écouté avec attention le témoignage de Ludovic Duguépéroux, Marin-sauveteur à bord de l’Aquarius; Il ne comprenait pas cet immobilisme, ce rejet des migrants, de personne qui fuit leur pays car ils ne sont plus en sécurité chez eux. Ce témoignage était percutant. Ensuite, toujours par l’intermédiaire de Brut.fr j’avais écouté aussi les durs témoignages de migrants ayant subi la torture et l’esclavage en Libye, là encore tout un tas de questions m’est venu…
L’histoire :
Fraîchement diplômé depuis 2 ans, passant d’entretiens stériles en entretiens frustrants, notre jeune protagoniste décide de partir tenter sa chance en Europe après une rencontre, fortuite mais comme il le dit bousculera sa vie à tout jamais, avec deux Ghanéens migrants.
Ainsi son dangereux périple, qui pour lui sonne comme une aventure, commence. Il part avec un plan bien établit et une coquette somme d’argent censé suffire pour son passage en Europe;
Mais c’est sans compter sur les passeurs malhonnêtes, sur les djihadistes, sur les gardes frontières, les esclavagistes brutaux et sanguinaires de Libye et surtout à l’immobilisme général de tous les dirigeants d’Afrique et d’Europe…
Le personnage :
Je ne vais parler que de notre jeune Candide, un Burkinabè fraîchement diplômé, qui recherche un travail inlassablement. Lors de son périple, ses acolytes le surnomment « l’Orphelin » à cause de l’histoire de sa vie qu’il s’est inventé et qui va souvent lui sauver la mise.
L’auteur se sert de son personnage candide pour nous peindre une Afrique au bord de l’implosion, où plutôt au bord de l’asphyxie… L’Orphelin, nous raconte son périple, son aventure avec simplicité, avec un humour corrosif. Il décrit des évènements tragiques avec une mesure moins dramatique, plus comme du fatalisme encore que ça ne l’empêche pas de continuer son chemin, il lutte avec la mort, il n’en a presque pas conscience…
Son plan prend un sacré coup dans les grandes lignes, pas démonté notre jeune Burkinabè relativise et continue d’avancer, la seule chose qui semble le préoccuper c’est de perdre du temps sur le timing prévu…
Il se retrouve face à différents bourreaux, des djihadistes qui haïssent l’occident à tel point qu’ils ne savent plus très bien pourquoi, des mercenaires cherchant à se faire de l’argent sur des gens en détresse, des familles, ces mêmes mercenaires se transforment au gré de la politique en esclavagistes… mais à chaque fois notre jeune personnage survit avec soit un sens aigu de la naïveté soit un instinct de survie bien au dessus de la moyenne…
Face à ce débordement, ces obstacles incohérents, ces atrocités impunies… « l’Orphelin » y voit un monde certes qui ne tourne pas rond mais pour lui ça toujours été ainsi, donc rien de plus normal presque…
Certes il est témoin de violence gratuite, de telles atrocités, d’actes non humain qui le heurtent, qui lui font se poser beaucoup de question mais à chaque fois survivre reste une priorité. Il nous décrit toutes ces horreurs que l’Afrique cache en son sein, avec désinvolture, non plutôt avec détachement que j’ai fini par comprendre comme étant un acte délibéré de défense afin de ne pas devenir fou, il éteint sa sensibilité pour survivre face à toute cette folie sanguinaire et meurtrière… dont le sens n’est pas toujours bien défini…
La Plume, le Scénario :
j’ai lu ce récit très rapidement car l’écriture de l’auteur est vraiment fluide et plaisante; et puis je me suis attachée très vite à son personnage principal, j’avais vraiment à coeur de savoir jusqu’où le mènerait sa naïveté, son optimisme et j’espérais qu’il arrive au bout de son périple.
Ce n’est pas un récit autobiographique, ni même la rédaction d’une biographie… non c’est bien un témoignage certes mais sorti tout droit des recherches approfondies, d’investigations de la part de l’auteur. Le récit de l’auteur semble si réel, bien qu’on sent que ce qui se passe là-bas est bien plus sordide.
AbramAlmeida a choisi de dépeindre cette migration forcée et balafrée au travers d’un jeune candide des temps modernes; pour rendre le récit plus « lisible » (je ne suis pas sûr que ce mot convienne…) Derrière cet humour corrosif, ce détachement du jeune protagoniste se cache une vérité bien plus insoutenable, des situations bien plus lourdes, sombres et cruelles. Il ne faut pas être naïf, il faut lire entre les lignes que ce qui ce passe en Afrique est plus inhumain que notre imagination pourrait le structurer…
A l’aide de son jeune Burkinabè, l’auteur décrit une Afrique en flamme, en déperdition; accablée entre les famines invisibles, les envahisseurs, les anciens colonisateurs qui maintiennent cet état de fait, les esclavagistes qui agissent en toute impunité et le fatalisme d’une grosse partie de la population désarmée, fatiguée, usée et à bout de souffle…
Quand les intérêts économiques priment sur la vie, la défense des populations…
Ces populations à la dérive, en fuite face à des guerres intestines, des guerres de religion, face à la faim, la maladie… bref en quête d’une vie meilleure, qui pourrait les en blâmer ? Ces populations continuent d’avancer même si le prix à payer est l’humiliation, la torture, la mort et bien pire encore … même s’il faut risquer sa vie, peut-être que de l’autre côté de la mère (j’ai bien aimé l’utilisation de cet homonyme !) Méditerranée la vie sera meilleure…
Le récit d’Abram Almeida ne m’a pas ouvert les yeux car je suivais depuis un certain temps l’actualité de l’Aquarius, ce cargo-sauveteur. mais ce roman m’a fait sursauté, m’a révolté. Ce qui se passe en Afrique est révoltant ! Je vois déjà certains dire « qu’est-ce que la petite révolte d’une européenne bien au chaud dans sa maison ? … oui vous aurez certainement raison, mon sentiment de révolte ne sert pas à grand chose c’est un dur constat… personne ne pèse bien lourd face aux puissants de ce monde… c’est frustrant !
Le roman d’Abram Almeida a le mérite de mettre en lumière ce dysfonctionnement anormal que des populations entière, à court de solutions, ont fini par admettre et à intégrer dans leur quotidien.
En Bref :
Merci à l’auteur pour ce récit poignant, révoltant avec un personnage tout à fait attachant !