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(Note de lecture), deux livres de Brigitte Gyr et Marilyne Bertoncini, par Jean-Charles Vegliante

Par Florence Trocmé

Deux petits livres de poésie (75 p. l'un comme l'autre), accueillis par deux vrais éditeurs indépendants, loin de Paris, impeccablement présentés, touchant l'un et l'autre à la mémoire et donc à l'élégie, selon une sorte de mouvement perpétuel dynamique, à l'opposé de ce que nous pourrions savoir d'un éternel retour " ressemblant " selon Nietzsche.
(Note de lecture), deux livres de Brigitte Gyr et Marilyne Bertoncini, par Jean-Charles VeglianteLes bruits du monde parviennent jusqu'à la scriptrice de le vide notre demeure à travers les frontières fragiles - vitres, murs, grilles - d'un lieu habitable, comme son titre l'indique, où l'on ne tient que par le souvenir d'un soi ancien, gorgé de choses passées dont il aurait " absorbé / la boue ", pour ne plus transparaître que par de rêches aspérités poussiéreuses, blanchies, " bientôt /dissoutes "... Ce qui là survit aux incendies ravageurs d'un vécu obscurci, au " parfum calciné " que menacent des cendres encore, des " fours [...] où l'on jetait les petits enfants " (p. 32) est peut-être la foi en l'écrit poétique. Sans illusion : " l'approximation mentale / du chantier de la mort / est une tâche ardue " (p. 47). Le mot " boue " sigle à la fois l'incipit et le début de la section annexe, friperie, p. 63. Le tri des restes, des " chiffons ", est une manière de résistance, baudelairienne peut-être, contre " la bouillie de la vie " : jusqu'à l'abandon, mais créatif du livre même, au " chant de mort pour survivants " (p. 73), jusqu'à l'étonnant " faire œuvre régénératrice " (en italiques) d'un provisoire excipit.
(Note de lecture), deux livres de Brigitte Gyr et Marilyne Bertoncini, par Jean-Charles VegliantePour Marilyne Bertoncini, dont le travail exemplaire à la tête d'un site de poésie est connu, il y a d'abord l'éblouissement de ce qu'il faut bien appeler réminiscences ou remémorations, dans le flou et le " vague " que Leopardi déjà attribuait systématiquement à la recherche du beau, même si le fil conducteur suggéré a la rigueur d'un anneau de Moebius. Ou faudrait-il dire "anneau de la poésie", ici, tant le travail d'allers et retours entre rêve, lectures, réalité ou restitution mémorielle tisse une autre vie possible - ou vécue ailleurs -, en une découverte sans fin, correspondant à la pensée complexe et ubiquitaire du fait littéraire (et de sa vraie fruition). Ainsi de la rivière rimbaldienne, et aussi dantesque (quant à la rime), qui me semble singulièrement riche d'allusions secrètes :
La Deûle coule grise
entre ses berges bises
des rêves se reflètent
parmi les herbes...
(p. 20)
Ainsi les résurgences d'un vocabulaire étranger, italien surtout en l'occurrence, prétexte à de peu nostalgiques rebonds. Difficile de démêler le rêve (parfois en " pensées nuagées ", p. 43) du souvenir - plus ou moins reconstruit, certes - quand c'est l'acte d'écriture qui les exprime, à la fois. C'est bien le sens que nous donnons à complexe, idée du poème " flottant dans les grands fonds où le rêve / le porte " (p. 39, À l'ombre du mûrier).
Jean-Charles Vegliante
Brigitte Gyr, le vide notre demeure, suivi de friperie, La rumeur libre, 2017, 80 p., 15€
Marilyne Bertoncini, L'Anneau de Chillida, L'atelier du grand tétras, 2018, 80 p., 12€


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