Descendants de Tantale, Atrée et Thyeste vont s’affronter pour le pouvoir. Dans la pièce de Sénèque, pourtant, cette question du pouvoir est vite résolue : « Être acclamé pour ce qu’on n’est pas, voilà la vraie puissance. » — « Un roi est inébranlable, inaccessible, invulnérable », ajoute le choeur. La question centrale est la vengeance : tuer ne suffit pas, il faut faire souffrir. S’ensuit un sacrifice où Atrée (de qui naitront les Atrides) détourne le rituel romain en égorgeant les enfants de son frère et en les lui donnant à manger, officiellement pour sceller leurs retrouvailles, en réalité pour le voir commencer à souffrir.
Quand on met en scène aujourd’hui un tel texte, on ne peut bien sûr qu’en chercher des résonances avec notre monde.
TANTALE
Le crime d’Atrée, qui va entraîner les crimes des Atrides, est provoqué par l’esprit de Tantale qui a contaminé sa descendance. Tantale a trompé les dieux et son supplice est le retrait de la nature : « Les eaux courantes remontent vers leur source et disparaissent. Les fontaines se tarissent, les fleuves se vident. Un vent brûlant chasse les derniers nuages. Les arbres perdent leurs feuilles, perdent leurs fruits. (…) Les princes d’Argos redoutent le retour de la grande sécheresse d’antan. » Mais les dieux sont encore là qui veillent à ce que le supplice dure.
ATRÉE
Avec le crime d’Atrée, les dieux vont se retirer. Le ciel est vide, le soleil a fait sa course à l’envers, il est reparti vers l’orient, les astres s’effondrent. Atrée le dit : « Dieux du ciel, je vous congédie, je n’ai plus besoin de vos services. »
SOLEIL
Le choeur, un de nous, spectateurs, avait déclaré : « Avons-nous perdu le soleil ou l’avons nous chassé ? ». Atrée confirme : « Je suis l'égal du soleil. »
Et Thyeste de s’écrier : « Toi, la terre, tu acceptes que, depuis ton sol, on attente à l’ordre du monde ? (…) Jette-nous dans l’abîme ! »
La terre est épuisée de tant d’ignominies humaines. La vengeance est sans fin, qu’elle vienne des dieux ou soit transmise aux enfants : Thyeste et Atrée se répondent. — Thyeste : « Mes malédictions t’ont livré aux dieux / Pour qu’ils te punissent et te tourmentent. » — Atrée : « Et moi je t’ai livré à tes fils / Pour qu’ils te punissent et te tourmentent. »
À ce désir inextinguible de vengeance, au nom des dieux ou au nom des ancêtres, Sénèque oppose la fraternité, « l’indulgence mutuelle », au présent.
Cette pièce, dans une formidable mise en scène de Thomas Jolly, a été présentée dans la Cour d’honneur du Palais des Papes au Festival d’Avignon, et reste visible sur culturebox jusqu’au 11/01/2019.