Quatrième de couverture :
Dans les années 30, Gerta Pohorylle, juive allemande, fuit son pays pour Paris. Elle y rencontre le tout jeune André Friedmann, hongrois antifasciste et photographe passionné, qui l’initie à son art. Après s’être inventé de nouvelles identités, Robert Capa et Gerda Taro, tous deux se rendent sur le front espagnol, gravant sur pellicule les atrocités du franquisme et leur légende en noir et blanc.
En juillet j’ai passé quelques jours en Arles. Outre le plaisir de retrouver une jolie petite ville chargée d’histoire, j’ai visité pour la première fois de nombreuses expos des Rencontres de la photographie (49è édition en 2018). C’était donc l’occasion de sortir ce roman et quelques autres de ma pile à lire et de faire une petite thématique liée à la photo.
D’emblée j’ai été charmée par l’écriture (la traduction me semble donc excellente) : Susana Fortes déploie une langue élégante, imagée, capable de décrire autant les images, les photos, les reportages du jeune Robert Capa et de sa compagne que les paysages intérieurs et les tourments de la jeune Juive polonaise exilée à Paris. Même si le titre évoque la jeunesse du célèbre photographe qui fondera l’Agence Magnum, c’est bien sa compagne Gerda Taro qui est le personnage principal de ce roman.
C’est tout un monde parisien d’une richesse et d’un rayonnement bouillonnant que nous découvrons sous les yeux de celle qui s’appelait encore Gerta Pohorylle. La rive gauche est le lieu de rencontres d’intellectuels, d’artistes tant français qu’exilés. Parmi eux, André Friedmann, photographe hongrois qui marche à l’instinct, enthousiaste cherchant l’action. Gerta va d’abord lui servir de modèle, il va lui apprendre les bases de la photographie avec son ami David Seymour, elle va ensuite lui servir de manager et créer ce personnage de Robert Capa pour qu’il vive enfin correctement de son travail. Elle deviendra la photographe Gerda Taro (un peu oubliée par l’histoire, ce roman lui rend une seconde vie), la compagne de Capa dans une relation fiévreuse, complexe, qui s’accommode mal de leurs désirs d’indépendance à chacun.
Dans ce monde prêt à plonger dans la seconde guerre mondiale, malgré l’exaltation créée par le Front populaire, l’Espagne plonge dans la guerre civile. Ce pays lâché par ses voisins européens devient le symbole de la lutte anti-fasciste. Robert et Gerda rejoignent les Brigades internationales et réalisent à leurs côtés plusieurs reportages : Capa sera marqué toute sa vie par la plus célèbre de ses photos Mort d’un soldat républicain, dont l’histoire vraie est racontée dans le roman. Il sera marqué aussi à tout jamais par sa relation avec Gerda, brutalement brisée par la guerre.
Je ne peux que vous conseiller ce roman passionnant qui parle des débuts d’un grand photographe du 20è siècle, de sa compagne Gerda Taro, mais qui traite aussi de l’exil, de l’identité, des soubresauts de l’Europe confrontée au fascisme, de résistance et qui est également une grande histoire d’amour.
« Ils allaient, chargés de tout leur matériel. Ce n’étaient que de photographes, des individus dont l’occupation est de regarder. Des témoins. mais ils vivaient sans le savoir entre deux guerres mondiales. La plupart avaient l’habitude de franchir les frontières dans la clandestinité. Ils n’étaient plus allemands, ni polonais, ni hongrois, ni tchèques, ni autrichiens. Ils étaient des réfugiés. Ils n’appartenaient à personne. A aucune nation. Des nomades, des apatrides qui se réunissaient presque toutes les semaines quelque part pour lire à voix haute des extraits de romans, réciter des poèmes, jouer des pièces antinazies de Bertolt Brecht, ou prononcer des conférences. Un vague romantisme les unissait. »
« Gerda et Capa photographièrent des centaines de jeunes garçons faisant leurs adieux à leur petite amie, des hommes accomplis embrassant leurs enfants, des femmes solides les invitant à presser le mouvement, leur ajustant une chemise mal mise dans le pantalon. Il n’y avait ni larmes ni Andromaque sur ce quai de gare. Juste une épaisse vapeur ferroviaire dans la lumière oblique du matin, des wagons remplis de volontaires, les portes ouvertes et le flanc fleuri de slogans écrits à la peinture blanche: « PLUTOT MOURIR QUE DE CONSENTIR A LA TYRANNIE ». Des jeunes pleins de vitalité qui se penchaient par la fenêtre et brandissaient le poing. Ils n’avaient aucune idée de ce qui les attendait. La majorité d’entre eux ne devait jamais revoir Barcelone. »
Susana FORTES, En attendant Robert Capa, traduit de l’espagnol par Julie Marcot, 10/18, 2012 (Héloïse d’Ormesson, 2011)
L’avis de Choco qui ne blogue plus mais qui est une fan de photographie (et qui cite d’autres liens)
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