Réunissant près d’une centaine d’œuvres de Gordon Matta-Clark (1943-1978), l’exposition « Anarchitecte » explore l’importance du travail de l’artiste au regard d’une réévaluation de l’architecture après le modernisme.
Couvrant un large éventail de médiums – photographie, film et gravure –, l’exposition présente des œuvres qui, du fait de leur lien avec la culture urbaine contemporaine, éclairent le contexte dans lequel s’inscrit la passionnante critique de l’architecture proposée par Gordon Matta-Clark.
S’installant à New York peu après la fin de ses études à l’école d’architecture de l’université Cornell (1962-1968), Gordon Matta-Clark commence à produire une série d’œuvres in situ dont le propos semble être de procéder à une anatomie du corps même du paysage urbain : il découpe et démantèle littéralement les structures des bâtiments, exhibant ce qui subsiste à titre de preuve.
Ces actions ont lieu, pour la plupart, dans le sud du Bronx à une époque où le quartier connaît un fort déclin économique en raison de l’exode massif de la classe moyenne vers la banlieue. Nombre de bâtiments abandonnés deviennent ainsi le terrain privilégié d’intervention de Matta-Clark. L’une des séries les plus iconiques de la période, Bronx Cuts, deviendra emblématique de son travail et servira de base à d’autres projets ambitieux tels que Conical Intersect (Paris, 1975).
Gordon Matta-Clark n’a pas seulement déstabilisé les notions de module et de répétition chères à l’architecture moderniste, il a aussi pris acte de cette tendance croissante à interagir avec l’espace public que traduit la prolifération des graffitis. Répliquant à la tristesse de l’expansion urbaine, le graffiti devient le moyen par lequel la jeunesse de tous les pays exprime sa rébellion contre le conformisme et, en fin de compte, contre l’autorité de l’architecte.
Ironiquement, la méthode du « découpage », née des ruines du paysage de l’ère industrielle, allait bientôt influencer toute une génération de jeunes architectes, notamment parmi les adeptes de l’esthétique déconstructiviste – Frank Gehry, Peter Eisenman ou encore Daniel Libeskind.
Avec la réévaluation de la culture urbaine, il est apparu plus récemment que le travail de Matta- Clark sur les graffitis témoignait aussi d’une certaine prescience des nouvelles orientations architecturales, si l’on en juge par le nombre croissant de créateurs qui puisent leur inspiration dans cette expression.
Retraçant le parcours de l’artiste depuis ses premières interventions dans le Bronx, l’exposition « Gordon Matta-Clark. Anarchitecte » propose une nouvelle lecture de son œuvre et de son influence sur l’art et l’architecture contemporains.
Jeu de Paume, du 05 juinau 23 septembre 2018Concorde, Paris(Texte copyright Jeu de paume)