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L'impossibilité d'une île

Publié le 04 septembre 2018 par Paulo Lobo
L'impossibilité d'une île
Je détourne le regard. Et dans ce geste je place tout mon dédain pour la pensée dirigeante et moralisante qui veut nous enchaîner à son buste.
Je détourne le regard et je pense à autre chose. Vous n'existez plus pour moi, j'opte pour l'effacement pur et simple. (Il n'y a rien de pire sur cette terre que l'indifférence que l'on peut afficher à l'égard de quelqu'un ou quelque chose.
"Parlez de moi, en bien ou en mal, mais surtout parlez de moi.")
Non, c'est non.
Je ne vous nommerai pas, je ne dirai pas, ni que je vous aime ni que je vous déteste.
Vous m'indifférez.
Je me demande cependant : quels sont les éléments qui donnent du relief à l'existence ? Quels paysages restent possibles, constructibles et admirables ?
Vous voudriez que j'évite les superlatifs, alors que la sublimation de la réalité reste l'un des principes-clés de mon existence ?
Pourquoi devrais-je aller vers l'inconnu, l'inexploré, si toute ambiguïté, tout désir et tout mystère sont bridés par avance, par avance placés sous surveillance ?
Devrais-je me satisfaire de mon petit rôle de consommateur zélé, obéissant docilement à vos injonctions ?
Je refuse d'être votre pion télécommandé. Je refuse que ma pensée soit carrée, fermée, dogmatique.
Je refuse votre vision d'un monde individualiste, où chacun est sommé de ne penser qu'à sa seule personne, où se sentir "réalisé" et accomplir ses rêves sont donnés comme l'objectif ultime de tout être et êtr(e).
Pour ma part, je ne veux pas aller jusqu'au bout de mes rêves, je veux les garder bien au chaud dans ma tête, bien frais et dispos pour qu'ils continuent de briller dans le firmament de mon imaginaire.
Tout plaquer pour que mon rêve devienne matériel, voire matérialiste, non merci !
Je fais partie d'une masse mouvante, insaisissable, insondable, je suis soumis à des forces plus fortes que moi, qui m'empêchent de sauter aussi haut que je le voudrais, qui m'empêchent de courir aussi vite que je le voudrais, qui m'empêchent de respirer aussi profondément que je le voudrais.
Etrange paradoxe constaté, entre la volonté farouche de rester libre et la conscience de la dépendance collective.
Partir. Revenir. Rester. Attendre. Craindre. Espérer. Compter. Graver.
Toute ma vie est contenue dans ces verbes égrenés à l'infinitif.

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