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(Note de lecture), Amandine Marembert, Pascal Commère, par Murielle Compère-Demarcy

Par Florence Trocmé

Pascal-commere-de-amandine-marembert-ed-des-vanneauxLes lignes directrices de la collection "Présence de la Poésie" publiée par les éditions Les Vanneaux sont depuis le premier numéro clairement tenues et précises :
« Un poète présente le travail d’un autre poète, qu’il aime.
Un livre en deux parties, donc, la première consacrée à la présentation passionnée du poète par un autre,
la seconde laissant place aux poèmes.
 »
La présentation par Amandine Marembert de cette voix singulière, d’envergure, de la poésie contemporaine qu’est l’œuvre de Pascal Commère, est éclairante et vise à l’essentiel de l’édifice toujours en cours de création. « La parole (y) est comptée, mesurée, concise, distanciée, mâturée », écrit la poétesse par ailleurs directrice avec Romain Fustier de la maison d’édition et de la Revue Contre-allées. En soixante-dix pages, Amandine Marembert évoque les vecteurs constitutifs existentiels de l’œuvre. Point de départ traumatisant, déterminant pour l’œuvre à venir : la perte brutale du père, à l’âge de l’enfance (« Les poèmes de Commère portent en eux-mêmes -en creux- une mélancolie qui, même si elle ne s’exprime pas toujours de façon explicite, joue une permanente sourdine. »). Point de séparation entre l’Écrire et le Vivre, noués constitutionnellement, tous deux se ressourçant l’un l’autre dans l’appel à la rescousse de la poésie, cette « expérience sans mesure, excédante, inexpiable, (qui) ne comble pas mais au contraire approfondit toujours davantage le manque et le tourment qui la suscitent » (Jacques Dupin). La poésie de Pascal Commère est "expérience" au sens fort blanchotien, expérience "extrême" tel qu’André Velter entend cet adjectif qualificatif, restant dans le même temps indissociablement vrillée au corps du vécu quotidien, du réel prosaïque, au corps de la terre aussi. Car Pascal Commère trace ses sillons en poésie avec ce "Quelque chose de rugueux" (Des laines qui éclairent) qui, d’une façon analogue, retourne et fertilise le travail de la terre.
Amandine Marembert nous éclaire sur les fondamentaux, piliers constitutifs de la pratique de l’écriture commérienne : le retour de l‘écrivain dans sa Bourgogne natale ; la composition dans l’ombre « pour trouver le juste poids des mots — Commère est un terrien qui ne s’en laisse pas conter ! » ; le retour aux sources tel l’acheminement de ce « noir en nous, cette obscurité qui est vérité profonde, cri animal » ; le va-et-vient fertile entre pratique et abstinence de l’Écrire ; la pratique d’une écriture habitée par le cycle des saisons.
Au tiers de sa présentation, Amadine Marembert développe les différentes thématiques qui sous-tendent l’écriture du poète avec toujours ce « poème de la langue » sur son établi humble où le vivant s’observe, se construit, laisse trace de vestiges ordinaires : ces mots « dans la nuit (qui) ne s’éteignent, / petite lumière de presque rien qui rayonne » (Ce que c’est qui est bleu, Monique Mathieu Éd. ; 2000). Est remarquablement mis en évidence l’originalité de l’écriture commérienne traquant un réel humble et quotidien qu’une poésie de l’ici et de l’ailleurs travaille (en faisant corps avec la réalité terrienne), en voyant l’horizon reculer au fur et à mesure de son avancée (vertige de l’œuvre inachevée), soit, mais qu’elle ne cesse d’approcher, cherchant, incessamment, opiniâtrement, « la bonne distance face aux mots qui nous représentent ». L’écriture de Pascal Commère —incorporée, en état de marche, souffle que l’on respire, pas tentant de franchir les obstacles où le noir rit de nous voir trébucher, ou sauts d’une langue tel pur-sang monté à crû—valait, c’est peu dire, cette escale dans la demeure poétique du poète « confiant aux mots du poèmes le pouvoir de prolonger l’ombre de nos doigts sur le livre du monde ».
Murielle Compère-Demarcy

Amandine Marembert, Pascal Commère, coll. « Présence de la poésie » , éd. Les Vanneaux ; 2018
392 p., 20 €.


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