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Le point

Par Jperino @Jonoripe

Le pointChaval bien sûr !

Ce blog est intitulé "Dernières Nouvelles de l'Homme en hommage à Vialatte. Alexandre fait le point de notre situation dans Les Champignons du détroit de Behring.

Tout homme habite une île déserte, et les bateaux n'y passent qu'à l'horizon. L'homme meurt seul, ayant vécu seul. Son dernier mot, c'est la solitude. Car rien n'est plus semblable à l'homme qu'un autre homme, mais rien n'en est plus différent. Et c'est pourquoi Henri Pourrat prêche l'amitié, les chrétiens préconisent l'amour et les républicains chantent la fraternité. C'est pourquoi les célibataires ont imaginé le mariage, qui est une idée de célibataire. C'est pourquoi le sous-préfet invite les fonctionnaires à danser parmi les plantes vertes avec des dames aux épaules nues. C'est pourquoi les messieurs se laissent pousser la moustache, pour chatouiller l'oreille des dames quand ils leur font des confidences (la moustache est un trait d'union). C'est pourquoi on ne peut plus circuler dans Paris. C'est pourquoi tout, ou presque tout. [...].
Les portes de la solitude sont des portes monumentales. Il y en a une à Ghardaïa, en plein désert. C'est une flèche ripolinée. Avec cette inscription parfaite : "Ghardaïa, trois kilomètres, Tombouctou, cinq mille kilomètres". Ca dit très bien ce que ça veut dire. On ne saurait mieux s'exprimer. Il y en a une autre à Font-d'Hurle (c'est un haut plateau, dans les Vercors); elle est en bois, à claire-voie, longue, basse, encastrée dans rien. Il n'y a rien à droite, rien à gauche, pas un mur, pas un fil de fer, rien par-devant, rien par-derrière, si loin que s'étende la vue; seulement cette inscription grandiose : "Prière aux visiteurs de refermer derrière eux". On ne saurait mieux dire à l'homme que, d'où qu'il vienne et où qu'il aille, il ne peut jamais ouvrir ou fermer que sur soi. [...].
On y trouve la Solitude. Le solitaire la personnifie. Le solitaire vit seul au sommet des montagnes, en présence de Dieu et de quelque coquille d'œuf oublié par le prédécesseur (car il est peu de solitudes inviolées où la main de l'homme n'ait déjà posé culotte). Il connaît le nom des étoiles, vit des restes du repas de midi et se retrouve en suivant les fleuves. Il mange dans une cuvette d'émail, qui lui sert à des tas d'autres choses, des nouilles mal cuites et du mouton qui sent le bouc; son chien la nettoie d'un coup de langue. C'est un homme extraordinaire. Il mouille son doigt pour savoir d'où vient le vent.


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