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(Poètes) Helmut Heissenbüttel

Par Florence Trocmé

Helmut HeissenbüttelHelmut Heissenbüttel est un écrivain d’avant-garde et poète expérimental allemand (1921-1996), contemporain du Nouveau Roman français pour la déconstruction de la prose narrative et de l’Oulipo pour le constructivisme des formes poétiques. Blessé à la guerre il est amputé d’un bras et dirigera l’émission de création « Radio-Essay » à la Südwest-Rundfunk de Stuttgart. Marié il aura 3 filles et un fils. Son œuvre est couronnée par le prix Büchner en 1969. Si ses intérêts sont aussi divers que ceux d’auteurs comme Raymond Queneau ou Michel Butor, une différence est que son écriture se fonde dans le mouvement de « poésie concrète » qui pratique un réductionnisme radical, anti-lyrique, démystificateur du langage, où les mots et parfois l’alphabet s’imposent par-dessus les discours dans un minimalisme critique du flot d’informations médiatique naissant. Les poèmes de Heissenbüttel comportent souvent des collages dadaïstes d’anciennes traditions de la littérature dans un geste ambivalent d’amour et haine : ainsi dans les « Fragments » le ton du haut romantisme est désaccordé mais l’allusion à Hölderlin (qui laissa lui-même beaucoup de fragments pendant sa maladie) semble rester pertinente dans la modernité d’après-guerre. Ensuite dans la série des Textbuch (littéralement « Livre de textes » et concrètement « Livre de lecture ») qui commence en 1960, le « texte » parle de lui-même, de la construction  poétique, du fonctionnement intérieur d’un « auteur », et les phrases prennent un rythme à variations souvent extrêmement répétitif, non tant pour mimer la ratiocination (biaisée) comme chez Gertrude Stein, que pour atteindre une sorte de degré zéro de l’expression langagière, comme une origine introuvable de la pensée-écriture soumise à un ralenti analytique, qui n’est ni sans humour ni sans tragique : ainsi dans « Der Mann, der lesbisch wurde » (L’homme qui devint lesbien). Heissenbüttel développe alors un flot de prose qui pourrait regretter la narrativité et la retrouve pour la désarticuler dans des romans et contes postmodernes satiriques où des personnages grotesques, tantôt marionettisés tantôt boursouflés de pensées, sont noyés dans un hyperréalisme de détails et un puzzle inextricable de citations littéraires d’auteurs classiques. Il compose aussi de nombreuses pièces radiophoniques hybrides et autocritiques, collageant ses obsessions structuralistes et psychanalytiques. Heissenbüttel reviendra dans les années 1980 aux poèmes expérimentaux et continuera sa série des Textbuch, moins minimalistes mais tout aussi étranges et libres, plus riches d’une longue expérience humaine ou carrière littéraire (même s’il s’est peut-être étonné d’en avoir eu une).
Bibliographie sélective :
Kombinationen 1954
Topographien 1956
Textbuch 1 1960
Textbuch 2 1961
Textbuch 3 1962
Textbuch 4 1964
Textbuch 5 1965
Textbuch 6 1967
Das Textbuch 1970 (compilation)
Eichendorffs Untergang 1978 (contes expérimentaux)
Textbuch 8 1985
Textbuch 9 1986
Textbuch 10 1986
Den Blick öffnen auf das, was offen bleibt 1986 (anthologie)
Textbuch 11 1987
Traductions en français :
Livre de lectures, (poésie) Denoël 1969 (traduit par Louis Fessard)
Le Bonheur de Franz Ottokar Mürbekapsel et une fin. (prose), Ed. Jacqueline Chambon 1989 (traduit par Marianne Charrière)
D’autre part, des poèmes expérimentaux de Heissenbüttel ont été traduits assez tôt dans les revues Change et TXT.

Sitographie :
Dossier sur Heissenbüttel en français par Renate Kühn dans le n°18 de la revue TXT réédité sur internet 
Pour les germanophones, une vidéo de 10 minutes à la télévision allemande en 1962 où Helmut Heissenbüttel est interviewé et lit plusieurs poèmes, à l’occasion de sa participation à une des renommées séances littéraires du Groupe 47
Jean-René Lassalle


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