Magazine Culture

servitude éternelle

Par Jmlire
Beaucoup de logements indiens sont encore dotés de simples latrines, qui consistent en un grand trou dans le sol. Les excréments sont ramassés la nuit par des "vidangeurs manuels" qui, écrit servitude éternellePankaj Mishra"Sujatha Gilda dans "Des fourmis parmi les éléphants...", "évacuent la merde humaine" avec " pour seuls outils un petit balai et un seau en fer-blanc. La plupart sont des femmes. Autrefois, elles "remplissaient d'excréments leurs paniers en feuilles de palmier et les transportaient sur la tête sur une dizaine de kilomètres jusqu'à un endroit en périphérie de la ville où elles étaient autorisées à les déverser". Les paniers ont aujourd'hui cédé la place un peu partout à des seaux et des charrettes. Mais le nettoyage des toilettes, des fosses septiques, des caniveaux et des égouts revient toujours aux dalits, qu'on appelait autrefois les intouchables...

L'Inde, la plus grande démocratie du monde, se trouve également être la société la plus hiérarchisée du monde. Ses citoyens les plus riches et les plus puissants, issus en grande majorité des hautes castes, sont très loin de se rendre compte de leurs privilèges ou de réaliser le cruel handicap que représente le fait d'appartenir à une caste inférieure. Les dalits sont très peu représentés dans le cinéma populaire, les pubs et les feuilletons télévisés. Aucun musée d'envergure ne commémore leur longue souffrance...Beaucoup de dalits sont encore traités comme des "intouchables", malgré les droits égaux que leur octroie la Constitution indienne.

Cette Constitution a été rédigée à la fin des années 1940, avec le concours de B.R.

servitude éternelle
B.R. Ambedkar,

Ambedkar, un dirigeant dalit, dont la réputation de penseur audacieux a été éclipsé par le culte voué à ses rivaux des castes supérieures, Jawaharlal Nehru et Mohandas Gandhi... Mais en Inde, les nobles intentions de la loi s'accompagnent rarement du nécessaire changement des mentalités. L'institution de la caste, le groupe social auquel les Indiens appartiennent par leur naissance, reste le plus grand obstacle à la création d'une société égalitaire.

Dans la hiérarchie, un brahmane occupe le sommet en raison de la "pureté" de ses fonctions de prêtre et d'érudit, et le dalit est relégué au rang le plus bas en raison de sa proximité avec las excréments et autre substances corporelles. Ambbedkar, par exemple, appartenait à une caste inférieure dont les membres étaient contraints de marcher avec un balai attaché à la taille, de façon à faire disparaître leurs empreintes de pas manifestement contaminantes. Comme beaucoup de militants, il était profondément exaspéré de voir que les dalits, en se voyant refuser l'accès à l'éducation et à la propriété, avaient été "totalement mis hors d'usage", comme il l'a écrit dans ' L'abolition de la caste" (1936). : " À cause du système de castes, ils ne pouvaient pas recevoir d'instruction. Ils ne pouvaient pas réfléchir et trouver le moyen de s'en sortir. Ils étaient condamnés à être humbles ; ne sachant pas comment s'échapper et n'ayant pas les moyens de le faire, ils se sont fait à la servitude éternelle, qu'ils ont acceptée comme leur sort inéluctable"...

Pankaj Mishra : extrait de Mille ans de servitude, article paru dans The New Review of Books, relayé dans le magazine

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jmlire 100 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines