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Voici un témoignage d'une collègue de la région d'Angers semble t-il, qui date des années soixante. Une recherche simple, dépouillée, indépendante, une vie intérieure vraie :"La Vacuité surgit parfois de la manière la plus inattendue - interrompant par exemple une douleur violente (...)Essayons de caractériser cette Vacuité, lorsqu'elle se constitue avec plus de continuité. L'impression qui domine est rendue par le mot que nous avons choisi pour la désigner : celle d'un Vide, d'un Rien mais qui, bien loin de décevoir, comble, tout au contraire. Une Vacuité. Les images qu'on pourrait utiliser ne rendent pas cette impression spécifique. Les moins inadéquates ? L'air, subtil, léger, invisible, clair, le vent. Le silence et son étrange musicalité, après qu'on ait longuement entendu le murmure de la mer. La transparence de certaines flaques d'eau dans les rochers, si parfaite, qu'elles sont entièrement invisibles. Ou bien, on pensera à un mouvement : celui...du rein dans le vide ! A une échappée. A une fuite longue et longue et longue, dans l'espace. C'est sans doute cette image de l'espace qui est la plus satisfaisante. Il n'est rien. Mais pourtant tout se situe en lui. Il est vide, nu, illimité, parfait, présent ; nous sommes en lui, il est en nous, là, partout. Il est sans pouvoir, mais le lieu où se déroule tout pouvoir. Sans lui, tout serait confusion inextricable ; par lui tout s'ordonne ; est simplement, là. Notre propre centre est en nous, certes, mais en lui tout autant et mieux encore. Il est inconcevable, irreprésentable, insaisissable, lui-même sans rapports, mais le lieu de tout rapport.(...)Ainsi un nouveau mode d'être s'est découvert : il ne détruit rien de l'ancien, mais il le met, lui, ses ambitions, espérances et prétentions, à sa juste place. Le problème métaphysique n'est pas résolu : il est dissipé."Geneviève Lanfranchi, De la vie intérieure à la vie de relation, 1966, pp. 79-81On trouvera des extraits de son Journal dans Le Vide, Hermès, éditions Les Deux Océans