du 7 octobre 2018 au 27 janvier 2019 au MRAC Sérignan
Vernissage le samedi 6 octobre de 18:30 à 21:00
Commissariat : Sandra Patron
Le Mrac invite le public au vernissage de la nouvelle exposition temporaire consacrée à Isabelle Cornaro intitulé " Blue Spill ".
Pour sa première exposition personnelle dans un musée français, l'artiste investit les deux étages du musée pour un projet pensé spécifiquement pour le lieu. Cette invitation est l'occasion pour elle de développer des liens organiques entre sa pratique filmique et sa pratique picturale et sculpturale.
Gratuit ouvert à tous.
Isabelle Cornaro. " Blue Spill "
Pour sa première exposition personnelle dans un musée français, Isabelle Cornaro investit avec Blue Spill les deux étages du Mrac Occitanie pour un projet pensé spécifiquement pour le lieu. Cette invitation est l'occasion pour elle de développer des liens organiques entre sa pratique filmique et sa pratique picturale et sculpturale.
Depuis une quinzaine d'années, Isabelle Cornaro entreprend un travail de déconstruction des archétypes de la vision, en explorant le rapport entre l'objet et son image, l'original et sa copie. Historienne de l'art de formation, spécialisée dans le Maniérisme européen du XVIème siècle, Isabelle Cornaro se nourrit d'un vaste champ de références artistiques, du Baroque à l'abstraction en passant par le minimalisme.
Son travail relève d'une pratique du collage qui utilise aussi bien des images et objets de la culture savante que ceux de la culture populaire. L'artiste explore la façon dont ces images et objets, toujours historiquement et culturellement déterminés, influencent notre perception du monde. Les vases chinois, bijoux vintage et tapis persans que l'artiste chine dans les marchés aux puces, renvoient à une culture populaire qui se saisit de l'iconographie du luxe pour produire des objets accessibles à tous. Ces objets recèlent un potentiel aussi bien émotionnel que symbolique : ils sont à la fois des extensions de nous mêmes, mais aussi le produit d'une domination capitaliste occidentale sur le reste du monde. Une fois collectés, ces objets sont ensuite mis en scène par l'artiste, et servent de socle à une pratique qui se déploie autant dans le film que dans la peinture et la sculpture.
L'exposition établit un dialogue entre pièces récentes et nouvelles productions, mais également entre son propre travail et celui de cinéastes, publicistes et réalisateurs de vulgarisation scientifique. Le cinéma, dans son rapport à l'image, à la couleur et aux objets, a toujours été une source d'inspiration pour l'artiste, mais avec le projet Blue Spill, Isabelle Cornaro intensifie cette relation dans une déambulation tout autant mentale que physique. Le titre de l'exposition fait d'ailleurs référence au monde du cinéma puisqu'il renvoie explicitement à un terme technique (le Blue Spill est une bavure qui peut apparaître sur les cheveux d'un acteur placé devant un écran bleu d'incrustation) et implicitement à un titre de film que n'aurait pas renié David Lynch.
Au rez-de-chaussée, Isabelle Cornaro présente une sélection de ses derniers films où elle utilise des techniques cinématiques proches du cinéma structurel des années 1960 : montages syncopés ou lents travellings qui glissent à la surface d'objets savamment mis en scène. Les films tournés en 16 mm puis transférés sur support digital reconstruisent l'acte de regarder. Par une utilisation saturée des couleurs, par une distorsion des échelles, les films mettent à distance ces objets familiers, les font tendre vers l'abstraction, leur conférant une dimension fétichiste et sensuelle. Baignant dans des couleurs criardes, tout à la fois séduisants et repoussants, ces objets familiers nous rappellent leur vraie nature, celle de colifichets sans valeur, si ce n'est celle de nos émotions partagées.
En dialogue avec ses propres films, Isabelle Cornaro propose dans ce même espace une sélection d'extraits de films trouvés sur internet : films de vulgarisation scientifique, films publicitaires ou cinéma gore des années 1960. Tous ces films ont en commun de provenir d'une culture mainstream du divertissement qui fétichise l'objet dans une gestuelle et des cadrages volontiers excessifs. Quelque chose émerge de quasi malsain dans ce rapport obsessionnel à l'objet, quelque chose lié à l'abject, à la décomposition et à l'objectivation du sujet. Comme dans les propres films de Cornaro, la grammaire filmique est ici très simple : longs plans fixes ou simples panoramiques, rendus vibrants par des jeux de lumière expressionnistes, ils mettent à jour le caractère obsessionnel voire concupiscent de notre regard.
A l'étage, Isabelle Cornaro propose une série de peintures qui sont à la fois des reproductions et des agrandissements d'images de ses films. Dans ces peintures en spray, réalisées en projetant les pigments à même le support, l'artiste déconstruit l'image animée pour produire une série d'images fixes. Par opposition à la couleur digitale générée par les films, ces oeuvres sont des projections matérielles de
couleur, créant un rendu sensible qui leur confère une séduction immédiate, un effet perceptif à la troublante beauté. Conservant les proportions 16/9 de l'image filmique, les peintures en spray sont installées bord à bord, reproduisant visuellement le défilement des images d'un banc de montage vidéo. Le spray crée un flou, une absence de focus qui décompose et dévitalise l'image, qui la rend quasi abstraite, produisant par la même un parallèle tant avec le pointillisme cher aux impressionnistes qu'avec la pixellisation des images numériques. Cette indétermination entre un objet et sa reproduction en image est redoublée par une série de monolithes énigmatiques présentés en vis-à-vis. Recouverts également de peintures en spray, ils créent dans l'espace une oscillation tout autant rétinienne que conceptuelle.
Entre abstraction et figuration, images en mouvements et arrêts sur images, Blue Spill nous propose ainsi une plongée dans un univers singulier, où la frontière entre l'objet et le sujet ne cesse d'être reconfigurée, où l'érotisme côtoie le gore, la séduction côtoie la répulsion, et le formalisme côtoie l'émotionnel.
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Mrac Musée régional d'art contemporain Occitanie / Pyrénées-Méditerranée
146 avenue de la plage, 34410 Sérignan