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Qu’attendre de la réédition de The Beatles ?

Publié le 01 octobre 2018 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

Depuis la mort de George Martin en 2016, son fils Giles – qui travaillait déjà avec lui depuis le milieu des années 2000 à la remasterisation de l’œuvre des Beatles à diverses destinations – a décidé de ressortir avec son ingénieur du son Sam Okell les œuvres considérées comme « majeures » du groupe. C’est ainsi qu’il a nettoyé le Live At the Hollywood Ball (2015) et Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band (2017).

Pour s’être procurés ces deux remasters avec le Mari – alors qu’on a tous les Beatles en mono, en stéréo, certains en vinyle, d’autres en pirate, édition UK ou japonaise, les anthologies, les BBC Sessions… –, nous ne sommes personnellement pas friands du travail de remasterisation de Giles Martin sur les albums principaux. Le Live at the Hollywood Ball ne méritait déjà pas une captation sonore, tant les Fab Four sont inaudibles sous les cris des fans, et Sgt Pepper nous a paru froid et dépourvu du formidable travail de profondeur sonore qui était présent sur les vinyles et sur les remasters CD de 1987. Par contre, nous avons apprécié les petits bonus tracks, à savoir des prises alternatives intéressantes si on s’intéresse comme nous à la construction d’une chanson.

Un peu échaudés par cette expérience, nous nous demandions si, en cas de réédition de l’album blanc, nous nous laisserions séduire. En effet, certaines chansons comme Helter Skelter, Back In The USSR, Dear Prudence ou Revolution #1 ne sont efficientes qu’avec le travail sur la profondeur sonore qui était la norme en 1968 – et je ne parle pas de Revolution 9 où tout l’aspect malaisant repose sur ce même travail. En fait, nous n’attendions – enfin, j’attendais – qu’une seule chose : un nettoyage des démos d’Esher.

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Je reçus donc un message dans ce jour brumeux de septembre :

 J’ai dû précommander un truc de bâtard pour novembre… J’ai été obligé : il y a les démos d’Esher.

Be-like :

J’attendais en effet les démos d’Esher nettoyées des scories techniques de 1968. Il faut savoir qu’elles ont été enregistrées avec les enregistreurs personnels de George Harrison et de John Lennon. Or ces enregistreurs multipistes n’étaient pas super perfectionnés : en effet, les sessions parvenues ne semblent pas « synchronisées », overdubées à la pisse et présenter un délai qui peut en gêner l’écoute contemporaine. Petite démonstration de ce que j’avance avec Dear Prudence.

Pourquoi suis-je tellement en désir devant ces simples sessions de travail ? Parce que, tant dans leur contenu que dans la structure générale de ces démos, elles représentent mon album blanc fantasmé. L’album blanc, tel qu’il a été construit par la doxa, ne me convient pas. Il est trop lourd, contient trop de choses, parfois même des choses traumatisantes – remember Helter Skelter que j’aurais allégé en termes d’effets sonores et Revolution 9. Bref, au lieu des 30 titres qu’il contient, il aurait fallu en garder 16 à 17 pour montrer toute l’étendue de chacun des compositeurs du groupe.

Il faut dire que le Blanc est touffu parce que les trois compositeurs principaux du groupe en 1968 voulaient chacun leur part du gâteau. Exit la mention Lennon-McCartney à chaque titre, tant les deux frontmen en viennent à se friter ouvertement. George Harrison devient de plus en plus présent dans le processus de création. Le Blanc est ainsi devenu l’album de la non-concession artistique et, au final, dégueule de sons divers et variés. A l’entendre, j’ai l’impression parfois d’entre une longue scène de ménage. A ce titre, en termes de non-concession artistique, je préfère ce petit miracle d’équilibre qu’est Abbey Road, sublime chant du cygne d’un groupe qui finit par se séparer en se disant les choses en face.

Les démos d’Esher ont de surcroît ceci de magique qu’on distingue parfaitement l’évolution que chacun va prendre dans sa future carrière. Elles contiennent même des titres développés dans leur carrière solo – en témoigne Circles et Not Guilty de George Harrison et Child of Nature de John Lennon, qui sera abandonné pour le Blanc en raison de la redondance avec le Mother Nature Son de Paul McCartney et qui deviendra Jealous Guy. Celui qui tire d’ailleurs le mieux son épingle du jeu, tant dans sa contribution à l’album blanc – While My Guitar Gently Weeps FTW – qu’aux démos d’Esher, c’est George Harrison (en même temps, c’est sa propriété qui accueille ces sessions). Après le mal perçu Within You Without You sur Sgt Pepper, ses contributions au Blanc ont pu faire percevoir son immense sensibilité créatrice au-delà d’un pur topic de drogué.

Parmi les autres bonus qui sortiront dans le coffret de novembre, il y a également la version longue d’Helter Skelter que tous les fans attendent, mais aussi des prises alternatives qui n’ont pas été intégrées dans les divers volumes d’Anthology. Et vu ce que ça a donné avec le coffret Sgt Pepper, je pense que les 117 € (sic) trouveront leur justification dedans plus que dans la remasterisation de l’album principal, remasterisation que je devine plate et sans saveur. Ce qui m’a gênée avec Sgt Pepper – je ne pardonnerai jamais à Giles Martin sa construction sonore d’A Day In The Life – pour le coup va peut-être moins me gêner avec le Blanc, tant on entre avec certaines compos de McCartney dans la loudness war. Une construction sonore plus plate me rendrait peut-être ses morceaux écoutables.

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Bref, il me reste un mois et demi avant de passer une soirée entière avec le Mari à décortiquer ce coffret et à juger s’il était nécessaire ou non. Stay tuned.


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