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14-18, Albert Londres : «L’ennemi s’accroche tant qu’il peut.»

Par Pmalgachie @pmalgachie
14-18, Albert Londres : «L’ennemi s’accroche tant qu’il peut.»
Pourquoi ils luttent férocement
(De l’envoyé spécial du Petit Journal.) Front britannique, 2 octobre. L’ennemi s’accroche tant qu’il peut. Les combats qui se livrent sur tout le front sont les plus durs que l’on ait jamais vus. Tout ce que nous gagnons l’est au prix de la ténacité la plus obstinée. Des deux côtés, du nôtre et de celui des Allemands, on lutte sans marchander. Chacun y va de tous ses moyens. C’est que chaque pas qui se gagne ou se perd a plus d’importance où nous sommes maintenant que plusieurs kilomètres quand les Allemands retraitaient de leur extrême avance à leur ligne Hindenburg. Nos victoires du 18 juillet au 27 septembre, si formidables qu’en soient les conséquences et si offensives qu’elles fussent, n’étaient que des victoires de redressement. L’ennemi ne perdait que les fruits de ses récents bénéfices et derrière lui, cette perte essuyée, il savait retrouver sa ligne capitale. Il y arrive. Là se termine notre redressement. Allons-nous nous arrêter et nous coucher sur notre reprise, lui sur sa sécurité ? L’ennemi le voudrait bien. Nous ne le voulons pas. Assis sur sa ligne Hindenburg, l’ennemi n’est pas battu, il n’est que refoulé. Comment considère-t-il sa ligne Hindenburg ? Est-ce simplement comme une escale où l’on reprend souffle ou comme un port où le bateau doit demeurer pour être réparé car, autrement, s’il reprenait le large, il coulerait. Il la considère comme un port. La question est alors de savoir si nous allons réussir à chasser le bateau du port, c’est-à-dire si nous allons l’éventrer, le livrer à tous les vents. C’est le travail que, le 27 septembre, il y a six jours, nous avons entrepris. Nous avions déjà démoli, entre Quéant et Drocourt, une partie des digues de ce port, la partie devant Cambrai. Le 27 septembre, nous nous sommes attaqués aux autres. Les Américains et Gouraud ont commencé. La ligne Hindenburg ne passe pas devant les Américains, ni devant Gouraud, mais l’ébranlement peut venir de loin et les maçons allemands, qui courent replâtrer les fissures devant les Américains et Gouraud seront autant de moins qui travailleront sur la ligne Hindenburg quand nous l’attaquerons. Gouraud avait répondu aux Américains ; vingt-quatre heures après, Byng répond à Gouraud ; Byng n’attaque pas précisément la ligne Hindenburg puisqu’il est derrière Quéant, il attaque sur Cambrai. Mais dans cette région d’Arras à Saint-Quentin, la ligne Hindenburg est un peu partout. On peut considérer que tout ce qui défend Douai, Cambrai, Saint-Quentin, fait partie de la ligne Hindenburg. Il l’attaque donc tout de même. Les Allemands se cramponnent, ils ne veulent pas laisser démolir leur port. Byng l’entame. Il enlève le canal du Nord, le bois Bourlon, arrive sur Cambrai. Les Allemands s’acharnent à la défense, Depuis quatre jours, terribles, ils nous disputent la ville. Ils savent qu’ils vont la perdre puisqu’ils brûlent, mais ils savent ce qu’ils perdront en la perdant. Ils savent que c’est un pan de la ligne qui les abrite. Vous comprenez pourquoi ils luttent désespérément. Vingt-quatre heures après, Plumer et les Belges répondent à Byng. Là non plus ne se trouve pas la ligne Hindenburg mais, au Nord aussi l’ébranlement peut venir. Les Allemands le savent, ils résistent de toutes leurs forces. Vingt-quatre heures après, Rawlinson répond aux Belges et à Plumer. Cette fois, c’est en pleine ligne Hindenburg que l’on va mordre, c’est en plein dans le port des Allemands que Rawlinson s’élance. Mètre par mètre, il le démolit ; Saint-Quentin tombe. Nous avons presque gagné. Il ne reste plus intégralement dans les mains de nos ennemis sur le front britannique que douze kilomètres de la ligne Hindenburg, les douze derniers kilomètres sont entre les deux villages de Crèvecœur et de Vend’huile. Et ils essaient de reprendre ceux qu’ils ont perdus, car après que les derniers remparts seraient tombés, la tempête viendrait, la tempête qui ferait tournoyer leurs bataillons. Vous comprenez maintenant pourquoi, devant les Belges, devant Plumer, devant Byng, devant Rawlinson et Berthelot et Mangin et Gouraud, ils luttent férocement.

Le Petit Journal

, 3 octobre 1918.

14-18, Albert Londres : «L’ennemi s’accroche tant qu’il peut.»
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