Logic « YSIV » @@@@¼
Sagittarius Laisser un commentaireComme certains ont pu le constater sur le premier épisode de Rapture, Logic est dans la réalité un rappeur très carré, exigeant, intelligent, en plus d’être naturellement hyper-talentueux, que même le succès de son précédent album Everybody n’a pas dévié de sa trajectoire. Il ne laisse que peu de choses au hasard, pas même les artworks de ses pochettes réalisées par Sam Spratt, qui prend un malin plaisir à cacher des ‘easter eggs’. Sur celle de la mixtape Bobby Tarantino 2 était dissimulé le nom de son futur album, il fallait après coup avoir le coup d’oeil voire carrément utiliser une loupe pour deviner le nom de code ‘YSIV’ apparaître:
YSIV, code pour Young Sinatra IV, ‘young sinatra’ car c’est le nom de sa mixtape parue en 2011 qui l’a fait connaître dans le milieu, et ‘IV’ simplement parce que c’est son 4e album en major chez Def Jam et le 4e projet à ce nom.
Dans le futur proche que ce petit nerdeux de Logic avait programmé, il était prévu d’avance de faire un demi-tour vers le boom-bap. Ouais les gars, le style de rap préféré des vieux puristes, ceux qui pensent que c’était mieux avant gnagnagna. Mais un style, bien qu’associé à une décennie que les mineurs ne connaissent pas, reste à un style à part entière. « The Return« , c’était annoncé par ce très bon single presqu’aussi patate que « Young Jesus » sur Incredible True Story. Quitte à revenir en arrière, Logic commence YSIV à l’envers, par des remerciements avec un long « Thank You » dédié à ses fans. Purée que ce morceau fait du bien… surtout avec la voix de Lucy Rose, c’est tellement de vibes positives. On ne s’en prive pas, idem pour « The Adventures of Stoney Bob« , quel kif cet instrumental typé Native Tongues.
Et là, en plein milieu, BOUM, « Wu-Tang Forever« , avec le Wu-Tang Clan au grand complet. ALERTE CECI N’EST PAS UN EXERCICE. Ils-sont-tous-là, sauf ODB qui a une excellente excuse. Le « Wu-Tang Forever » de Drake c’est du pipi de moule sucré à côté de ce « Forever 2018« . Les titans du Wu ne sont plus tout jeune, ça s’entend (sauf pour Raekwon, GZA et RZA), mais émoji flammes/poings/bombe à volonté sur leurs couplets respectifs. C’est comme le morceau « YSIV« , au passage un superbe double-instrumental jumelé jazz-rap (avec ses samples de pianos, gimmicks de cuivres et infrabasses), Logic kicke ce qu’il sait et là, BAM le légendaire refrain d’AZ sur « Life’s A Bitch » !
Le Young Sinatra se fait plaisir, avec son flow plein d’énergie et ses égotrips (« Everybody Dies« , « The Glorious Five » où il renvoie les critiques sur son alter-ego Bobby Tarantino), ce « Street Dreams II » (plus un vrai rêve de règlement de compte qu’une fiction?) et le très sportif « 100 Miles & Running » (avec un Wale très bon faut le souligner) sur lequel il sprinte son débit au niveau Fu-Schnickens. Bien vu le sample funky du célèbre « Apache » qui sert de breakbeat ici. Mentalité old schoo, un seul but : montrer qu’il est le meilleur au micro. Il n’a pas fait de la gonflette pour rien mais il fait moins gentil garçon. Ce ne sont vraiment pas des ‘easter-eggs’ mais pour embrasser le boom-bap dans son ensemble, Logic utilise de nombreuses références et name-dropping, en plaçant une pour ses aînés de Jay-Z à Guru en passant par les D.I.T.C.. On a droit à un « RIP Mac Milly » avant de se lancer sur « YSIV« , merci. Il y a peut-être cette collaboration avec Jaden Smith sur « ICONIC » qui a de quoi rendre circonspect mais ça passe. « Ordinary Day » avec son rythme entraînant ferait un bon single.
Le plus étonnant sur YSIV de voir à quel point le rappeur, qui a su garder les pieds sur Terre malgré une notoriété toujours grandissante, a été influencé par Kanye West, le old Kanye. Car en plus de sampler « Crack Music » sur « The Return » et reprendre un bout de « Barry Bonds » sur « Everybody Die« , son producteur attitré et ami 6ix s’inspire fortement de « Heard’em Say » sur « One Day » (feat Ryan Tedder) et le final « Last Call« , qui adopte la mêmes structure que « Last Call » de Kanye sur College Dropout, aussi des similitudes musicales sans aller jusqu’au ctrl+c/ctrl+v non plus. Félicitons une fois encore l’incroyable taf de 6ix qui dans l’ombre n’a de cesse de nous surprendre par son métamorphisme. Sa connexion avec Logic est synaptique.
Pour être purement subjectif, ce retour au boom-bap avec Young Sinatra IV fait un grand bien. À une période qui sature en trap, autotune et de propos de rappeurs qui ont un vrai pois chiche dans le crâne (incluant son ancienne idole Kanye), Logic remet quelques pendules à l’heure en recréant le contexte de ce qu’on appelait l’âge d’or du rap durant les 90s, avec une fraîcheur certaine en plus de ça. Cela lui permet également de montrer qu’il aurait été un rappeur très à l’aise s’il était né à cette autre époque révolue. Ou pas, qui dit qu’on ne revient pas dans une période boom-bap qui sera plus permanente qu’on l’imagine?