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Max Lobé : Loin de Douala

Par Gangoueus @lareus

Max Lobé : Loin de Douala
Je le disais sur ma page Facebook alors que j’étais en pleine lecture de ce roman, Max Lobé est un styliste.  Et j’avoue que j’aime son style, son écriture. Oui, quand un écrivain réinvente la langue française, y injecte un parler local et marque son écriture de sa personnalité, je suis preneur. D’ailleurs, dès que j’ai ouvert ce livre, alors que j’étais sur une autre lecture, je ne l’ai plus lâché. Il y a d’autres aspects intéressants portant sur la forme de cette oeuvre littéraire. Comme cette couverture que je suppose empruntée au photographe Omar Victor Diop. Attrayante, surtout très efficace, elle résume parfaitement les trois thèmes majeurs de ce roman : Le football, la religion, l’homosexualité.
Si le football est considéré comme une religion dans sa forme extrême, on pourrait même réduire ce texte à deux volets : l’intégrisme religieux et la quête identitaire de trois jeunes camerounais.
Peetch : Claude Moussima cadre supérieur de la SNBC (Société Nationale des Brasseries Camerounaises) fait un malaise à son domicile. Il décède dans le taxi que son fils aîné et son ami ont hélé pour essayer de le sauver. Son épouse qui était avec lui a eu pour premier réflexe de lui faire une onction d’huile pour tenter de le sauver. 

Deuil et éclatement familial

Les réactions suite à la mort de ce père bon vivant mais tenu par une femme forte vont être très différentes. La sidération de la mère et de l’épouse, prise de cours par la disparition de son mari. L’apparente indifférence de fils cadet Jean, dit Johnny. La haine et la colère de Roger qui le pousse à partir alors que les familles pleurent encore Claude. Il va boza. Comprenez par là qu’il prend le chemin de l’exil pour se tenir loin de sa mère et de son frère. Il tente l’aventure pour aller jouer au football, son talent, sa passion, lui qui est prénommé Roger. Boza. Ca passe par un parcours passant par le nord du Cameroun avant de filer vers le Nigéria, le Niger…
En Europe !  […] Eh oui ! Notre Roger Milla est go, lui en Mbeng! Il m’a dit qu’il allait boza : qu’il irait en Europe à pied
p.29, Max Lobé, Loin de Douala, éd. Zoé
Simon, son ami d’enfance, déterminé et  Johnny, un peu contraint parte à sa poursuite en espérant pouvoir le ramener à la maison.

Road trip à la sauce camerounaise

Le roman est construit comme un road movie à la camerounaise. C’est-à-dire sous une chaleur étouffante, dans des conditions apocalyptique de température et de pression. Sans la Cadillac décapotable à la Thelma & Louise. Dans des bus bondés où les passagers manquent de mourir asphyxiés ou de finir dans le décor. On part de Douala pour Yaoundé pour ensuite remonté Ngaoundéré, Maroua, Garoua. On monte vers ce Nord qui représente un inconnu violent pour ces deux gens. Les nouvelles sont ponctuées par les nouvelles d’attentats terribles et le contexte militaro-sécuritaire. On voit plusieurs strates du Cameroun très contrastées. La forêt luxuriante du Sud aux zones désertiques du nord. L’intégrisme évangélique et le radicalisme islamiste caractérisé par les offensive de Boko Haram. Les classes moyennes de Douala et les tripots de la Mini Ferme Melen de Yaoundé. Les rêves de reconnaissance sportive de Roger, le fils de son père et les pleurnicheries du bachelier précoce, Choupi le fils à maman. Tout n’est que rupture dans cette construction. Ce roman ressemble donc à une enquête journalistique réalisée par deux jeunes camerounais qui se cherchent. Il est également question de l'homosexualité. Mais dans le fond, on a le sentiment se joue du sujet, laissant le lecteur se perde dans l'identification de cette construction annoncée à la quatrième de couverture.
Elle traverse en proposant, à chaque voiture plus ou moins à l'arrêt, sa marchandise . "Bitter kola ? Bitter kola madame, un peu de bitter kola contre le mal de ventre". Je me demande combien de va-et-vient elle fait en une journée pour épuiser son stock de kolas amères. Tant bien que mal, elle essaie non seulement de se frayer là un chemin dans la masse de petits vendeurs, mais aussi de se faufiler entre les véhicules qui ralentissent devant les dos d'âne et les herses de police. Soudain, un bruit de frein sec. J'ai un haut-le-coeur! L'adolescente a failli se faire écrabouiller par un moto-taxi; elle se fait déchirer le bas de sa tunique,mais ne s'en alarme pas. Il y a plus important : ses kolas.
p.53, Max Lobé, Loin de Douala, éd. ZoéCet extrait est magnifique, tendre et terrible. Il résume un regard que seul un écrivain inspiré et amoureux de son pays peut produire.Ce que je retiens, c’est la critique nette, tranchante sur certaines dérives d'un protestantisme charismatique maladroit et mal digéré. C’est aussi un regard tendre sur des Cameroun qui s’ignorent.  Un pays qui couve des tensions importantes. C’est, et le contexte de l’élection présidentielle camerounaise l’impose, un état des lieux indirect du système Biya incarné par un épisode dans un commissariat de Yaoundé qui marquera les esprits. Une sacrée séquence. Normalement, on repart pour sept ans.
Max Lobé, Loin de DoualaEditions Zoé, 173 pages

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