Chaque année, Le Taillevent invite un épicurien, personnalité des arts et lettres, à raconter cinq vins qu’il rêve de réunir en un repas. De cette liste, chef et sommelier tissent la trame d’un menu où les vins d’auteur sont à l’honneur.
Yann Queffélec, qui vient de publier Naissance d’un Goncourt (éditions Calmann Lévy), se plie aujourd’hui à l’exercice. Le navigateur et écrivain, chroniqueur pour le magazine Terre de vins, propose une dégustation qui mène sur les sentiers de sa mémoire. Antoine Pétrus, Directeur Général Taillevent Paris, salue ce point de vue personnel qui remet à l’honneur les grands vins de Bordeaux, injustement délaissés ces dernières années.
Avec trois vins rouges, les Cinq de Yann Queffélec présentent un défi dans la construction des accords, mais promettent une belle rythmique au repas. Pour le Chef David Bizet, sortir de la carte en allant du vin à l’assiette est une liberté enthousiasmante, d’autant que débute sa saison fétiche : celle de la chasse. « J’ai souhaité une interprétation lisible. La progression du menu est maîtrisée. Les papilles s’amplifient petit à petit. La saison nous offre en même temps truffe noire et truffe blanche. C’est un moment rare auquel ce menu donne une intensité particulière. »
SA SÉLECTION
1/ Sancerre « Les Amoureuses » 2011, Domaine Lucien Crochet
Servi en Magnum
« J’aime le sancerre blanc « Les Amoureuses » pour sa jovialité. C’est un grand vin de soif tout à la fois sec et fruité, ni doux ni amer, bonhomme et secret comme son maître Lucien Crochet, celui-ci un grand homme du vin. Je l’ai rencontré à Sancerre au cours d’une folle épopée avec Jean-Luc Petitrenaud qui conduisait « à vive allure » ma Jaguar XJ 12 délabrée (l’aiguille des vitesses était tombée du cadran). Nous sommes arrivés chez lui avec quatre heures de retard. Il nous a reçus comme des seigneurs. Nous avons visité son domaine, goûté ce qu’il nous a fait goûter, puis déjeuné d’un cochon de lait grillé, l’une de mes viandes préférées. Nous sommes repartis frais et dispos, la Jaguar l’était moins. Depuis ce jour, Lucien Crochet est un ami, comme son vin. »
Présenté en accord avec :
Poireau en croûte de sel truffé, mimosa de cèpes, essence sauvage poivrée
Le commentaire d’Antoine Pétrus :
« Voilà un accord complice où la vivacité du sauvignon de la famille Crochet relèvera la subtilité du poireau au parfum truffé. »
2/ Chambolle Musigny 1er cru, Les Feusselottes 2012, Domaine Cécile Tremblay
« Ce vin m’a sauvé la vie. En 1982, pour le premier récital de piano donné au Carnegie Hall par feue Brigitte Engerer – mon épouse à l’époque -, nous nous sommes vu offrir le passage Paris-New York en Concorde. Hélas, l’avion a pris feu au moment du repas. Un Chambolle Musigny accompagnait le steak Rossini, bleu à souhait. Je me suis raccroché à son bouquet et à celui d’une fable de La Fontaine, la Cigale et la Fourmi, jusqu’à l’atterrissage d’urgence à Roissy. Nous avons ensuite embarqué sur un appareil de réserve où, par extraordinaire, bouteilles et steaks (déjà cuits) nous ont suivis. »
Présenté en accord avec :
Pomme de terre et culatello à la crème de truffe blanche
Le commentaire d’Antoine Pétrus :
« La puissance de goût de la truffe blanche s’allie avec délicatesse à ce très beau premier cru de Chambolle Musigny. »
3/ Saint-Emilion Grand Cru 2012, Château Figeac
« Le château Figeac est en quelque sorte le « héros » de mon roman la Dégustation, une histoire vraie. Sous l’occupation, des bouteilles de vin hors de prix sont emmurées dans une cave où la Gestapo torture les résistants. A sa manière, le vin s’en souviendra un jour… J’ai redécouvert ce Château à… Château-Figeac, il y a quelques années, lors d’une journée organisée autour de mon travail de romancier par Alberic Bideran. Madame Marie-France Manoncourt, la propriétaire, m’a offert une bouteille du millésime 1985, l’année de mon Goncourt, un trésor. Non, je ne la boirai jamais. Je la léguerai à l’un de mes enfants qui ne la boira pas davantage, etc. »
Présenté en accord avec :
Rouget Barbet confit, concentré torréfié, butternut, foie gras
Le commentaire d’Antoine Pétrus :
« Saint-Emilion trouve ici un de ses meilleurs représentants. Le Rouget cohabite à merveille avec les contours veloutés du Château Figeac sur le très nuancé millésime 2012. »
4/ Pomerol 2010, Château La Conseillante
« J’aime ce nom de Pomerol, on dirait deux notes de piano. C’est aussi l’un des premiers vins que j’ai bus dans mon enfance. Dès l’âge de huit ans je trempais mes lèvres dans les verres de Château La Conseillante que mon grand-père servait invariablement au moment des fêtes, le soir. Ça ne s’oublie pas. Le pomerol est un vin d’amitié, lumineux comme un coucher de soleil, désaltérant et serein, qui rappelle que l’eau nourrit la terre en profondeur, et que la salive est sœur de la vigne. »
Présenté en accord avec :
Lièvre à la royale
Le commentaire d’Antoine Pétrus :
« Deux seigneurs réunis pour le plaisir des papilles et du goût. Le charme du Château la Conseillante adoucit la force et le parfum du Lièvre à royale, plat signature de David Bizet. »
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5/ Rivesaltes Ambré 2012, Mas Delmas
« Ma tante Jeanne, celle qui jouait de l’harmonium à l’église de Lanildut – le village atlantique de mon enfance au nord du Finistère -, avait un faible marqué pour les vins cuits. Dans son coffre à liqueurs voisinaient porto, Banyuls, Catalunya, Duhomard, et Rivesaltes son préféré. C’est chez elle, au manoir de Kervaly, que j’ai bu mon premier Rivesaltes à l’âge de onze ans. Je souffrais des oreillons (bénins) et elle m’a dit : bois ça. Ce n’était que la valeur d’un gros dé à coudre. Un ou deux, je ne sais plus. Un dé peut en cacher un autre, surtout dans l’ouest. »
Présenté en accord avec :
Chocolat crémeux au thé noir, Riz soufflé caramélisé et mûres sauvages.
Le commentaire d’Antoine Pétrus :
« Logé dans sa Marie Jeanne ayant servi à son élevage, le Rivesaltes 2012 du Mas Delmas est un hommage parfumé au grenache et qui sied à merveille avec la douceur du chocolat. Plongez le nez et la cuillère dans un univers de douceurs, d’épices, de cacao. Une association dessert et vin pour gourmets avisés. »
Menu « Les Cinq de Yann Queffélec »
proposé à 375 € avec l’accord mets et vins (230 € hors vins)
à partir du 11 octobre jusqu’au 21 décembre 2018.
(le menu est susceptible d’évoluer en fonction de la disponibilité des produits liée à la saison).
15, rue Lamennais
75008 Paris
Tél : 01 44 95 15 01
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