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L’ours en question

Publié le 09 juillet 2008 par Fabien Major @fabienmajor

billionsLe marché baissier (bear market) nous embête tous. On s’inquiète pour nos économies, quelques milliers de dollars et quelques millions pour d’autres chanceux . Mais si vous aviez entre les mains quelques milliards à administrer. Quelle serait votre réaction ou encore votre lecture de la situation?

Voici ce que pensent quelques grands gestionnaires canadiens et internationaux de la fluctuation actuelle des marchés et des inquiétudes liées à la crise du crédit, les cours élevées du pétrole et l’inflation.

Signature de Toronto

Eric Bushell, Directeur des placements de Signature mentionne que: “Les implications du resserrement du crédit aux États-Unis qui se fait sentir à travers le monde commencent à être comprises. Les banques dont les ratios de capital sont épuisés limitent l’accès aux nouveaux emprunts, ce qui fait ralentir la croissance. En même temps, les faibles niveaux des taux d’intérêt aux États-Unis ont établi les taux beaucoup trop bas dans les pays qui sont liés aux États-Unis. (La plupart des marchés émergents sont plus ou moins rattachés au dollar américain, ce qui signifie que le partage des devises signifie également le partage des taux d’intérêt). Ceci résulte en des taux d’intérêt réels totalement négatifs, qui sont à la tête des bulles immobilières dans les marchés émergents. La hausse du prix des loyers, de la nourriture et de l’essence (en partie dû à la chute du dollar américain et aux faibles taux d’intérêt) pousse les consommateurs et les décideurs des marchés émergents au pied du mur. Nous avons atteint un point tournant.

Nos portefeuilles sont positionnés pour faire face à ce ralentissement de la croissance. Nous avons augmenté les niveaux de liquidité en mai et nous avons réduit notre exposition aux biens industriels et aux matières cycliques, ainsi qu’aux services financiers. Nous sommes à l’aise avec les bilans et les évaluations de nos titres, même à la lumière du resserrement de la marge que nous entrevoyons alors que les volumes des ventes diminuent et que les coûts augmentent. Les risques liés à l’inflation pourront être contrôlés dans les marchés développés et toute analogie avec les années 70 est inexacte.

Les risques économiques mondiaux augmentent. En 2008, le monde ralentira et l’inflation augmentera. Ceci mettra des pressions sans précédent sur les gouvernements et certains d’entre eux craqueront. Les choix politiques et les cycles d’élection affecteront également les résultats. Les matières premières demeurent une catégorie de placement attrayante à long terme. Toutefois, à plus court terme, nous prévoyons des défis et un ralentissement de la croissance dans plusieurs marchés pour modérer la demande. Bien que les perspectives pour la Chine demeurent solides (il s’agit de la troisième économie en importance après les États-Unis et le Japon), la récente hausse rapide des prix des matières premières était liée aux dépenses d’infrastructures supplémentaires du reste des pays émergents. Cette demande risque d’être retardée alors que les gouvernements sont forcés de réduire les dépenses dans le but d’acheter de la nourriture au lieu de construire des routes. Nos attentes par rapport à la crainte liée à la croissance mondiale restent inchangées, sauf que maintenant, elles seront accompagnées par des craintes liées à une inflation mondiale. Ce double impact ne devrait pas faire peur, le temps d’acheter viendra”

Harbour de Toronto

Chez Harbour, Gerry Coleman est plus catégorique: “Les économies ralentissent, particulièrement aux États-Unis et au Canada. Toutefois, le reste du monde semble bien s’en tirer. Ce n’est pas vraiment une surprise et ça se reflète déjà dans le marché. La récession ne sera pas égale et elle affectera certains secteurs et sociétés plus que d’autres. Mais elle offrira certaines excellentes occasions à long terme.

Je crois que c’est le bon moment pour être un acheteur sélectif, si vous avez un objectif à long terme et les ressources pour capitaliser sur la faiblesse. Mais je ne suis intéressé que si je peux acheter quelque chose à prix attrayant.

Récemment, je me suis beaucoup tenu dans la marge. Cependant, au cours des derniers jours, j’ai acheté de manière agressive un certain nombre de titres canadiens et américains. Ma liste d’achat, composée de 15 titres canadiens et étrangers, était prête depuis un bon moment. J’ai acheté 11 de ces titres au cours des derniers jours.

Au début du mois, la position liquide du Fonds Harbour était de 18 %, alors que celle du Fonds de revenu et de croissance Harbour était de 36 %. Par conséquent, nous sommes bien positionnés pour faire face à ce carnage.”

Cambridge de Boston

Alan Radlo, Gestionnaire principale des portefeuilles Cambridge: “Comme je l’ai mentionné le mois dernier, le prix du pétrole est insoutenable - les chiffres ne s’additionnent tout simplement pas. Nous assistons à une destruction de la demande et les économies ralentissent. Même avec les risques géopolitiques mondiaux pris en compte, le marché pétrolier aura dépassé l’approvisionnement - ce qui devrait faire baisser les prix.

Les évaluations des sociétés pétrolières peuvent être justifiées, même si le pétrole est à 90 $ US le baril. Toutefois, les actions réagissent souvent de manière excessive, peu importe la direction prise par les sentiments. La même chose se produit, ou se produira probablement, dans d’autres secteurs de produits de base, comme les métaux, les produits agricoles et le charbon.

Nous prévoyons davantage de difficultés dans les marchés, mais une correction du prix du pétrole profitera éventuellement à l’économie et permettra aux marchés de se stabiliser.”

Trilogy de New-York

A New York, chez Trilogy le professeur Bill Sterling: “Le choc pétrolier ajoute à la crise du crédit. Au début de l’année, nous espérions que les États-Unis éviteraient de justesse la récession et que les autres économies majeures connaîtraient de légers ralentissements. Nous croyions que les marchés mondiaux « se débrouilleraient » et peut-être même surprendraient avec une hausse, mais nous avons été beaucoup trop optimistes. Toutes les économies majeures qui ne sont pas des producteurs de pétrole sont affectées par un choc énergétique qui crée un ralentissement mondial synchronisé.

Selon nous, le marché s’adapte difficilement au changement d’équation par rapport à la perspective. La première équation ayant aidé les marchés à se ressaisir en avril et en mai était :
La crise du crédit + un assouplissement massif de la Fed = les économies/les marchés boursiers se tirent d’affaire.

La nouvelle équation est la suivante :
La crise du crédit + un assouplissement massif de la Fed + le choc pétrolier = une récession mondiale/un marché baissier.

C’est de l’histoire ancienne maintenant - la plupart des marchés sont en baisse de 20 % ou plus comparé au sommet de 2007, et sont maintenant en territoire négatif. La question importante est la suivante : Où allons-nous à partir de là? Connaîtrons-nous une situation semblable à celle du début des années 1970, ou à la première partie de cette décennie, où les titres ont chuté de près de 50 %? Ou y a-t-il moyen de connaître une reprise?

Clairement, cela dépend du pétrole. Une des craintes est le conflit entre Israël et l’Iran. Si cela se produit, nous misons sur le prix du pétrole et les marchés boursiers. Cependant, si les prix se stabilisent, l’histoire suggère que les actions retrouveront vite ce qu’elles ont perdu.

Nous avons récemment analysé six points de données trimestriels depuis 1946 lorsque le prix réel du pétrole a haussé de plus de 80 % au cours des quatre trimestres précédents. Les points de données sont 1975-1976, 1981, et 2001. Au cours de six périodes sur neuf, les actions ont augmenté pendant l’année subséquente - en fonction des normes historiques (les actions sont en hausse environ 70 % du temps). Sans compter 2001, lorsque les actions n’avaient aucun support d’évaluation, le gain moyen au cours de l’année subséquente était de 14,5 %.

Un élément à prendre en compte est que le pétrole n’est pas un bon indicateur de tendances pour le prix des actions - même si celles-ci sont un bon indicateur « co-incidentel ». Dans le passé, lorsque le prix du pétrole montait en flèche, les cours boursiers connaissaient une certaine pression. Mais le fait que le prix du pétrole ait énormément monté est déjà pris en compte dans les cours boursiers d’aujourd’hui et donne une très petite idée sur les futurs changements.

Il existe trois raisons pour expliquer la raison pour laquelle l’impact du choc pétrolier pourrait être plus faible que les chocs précédents.

1. Les coûts unitaires de la main-d’oeuvre sont contrôlés dans la plupart des nations industrielles (Le Canada est une exception). Dans l’OCDE, les coûts unitaires de la main-d’oeuvre sont en hausse de seulement 1,7 % à chaque année. Aux États-Unis, ils sont en hausse de seulement 1 % grâce à la solide croissance de la productivité. Ceci est totalement différent des chocs pétroliers précédents, lorsque les coûts unitaires de la main-d’oeuvre affichaient des avances à deux chiffres, ce qui signifiaient que la Réserve fédérale n’avait d’autre choix que d’imposer d’importantes hausses de taux d’intérêt. Ces hausses ont davantage anéanti l’économie et le marché que l’impact direct des prix du pétrole plus élevés. Étant donné que les coûts unitaires de la main-d’oeuvre sont de loin le plus important conducteur de l’inflation, cette fois la Fed a assez de portée pour prendre du recul et analyser l’approche qui devrait être la moins dommageable pour l’économie et les marchés. Ceci dit, les développements de l’inflation dans les marchés émergents sont maintenant plus inquiétants, avec plus de 50 pays rapportant maintenant un taux annuel d’inflation supérieur à 10 %. C’est dans ces nations, davantage que dans le monde développé, qu’un resserrement monétaire sévère pourrait s’avérer nécessaire.

2. Les économies industrielles principales devraient être moins sensibles aux augmentations du prix du pétrole que dans le passé dû à une meilleure utilisation de l’énergie. Aux États-Unis, par exemple, le montant de l’énergie par unité de PIB a chuté de 50 % depuis les années 1970, grâce à des choses comme les voitures qui roulent 23 miles par gallon, comparé à 16 miles par gallon dans les années 1970. Avec l’effet combiné des revenus plus élevés et d’une meilleure efficacité de l’essence, un travailleur moyen utilise maintenant seulement 7 % de son revenu disponible pour acheter assez d’essence pour couvrir 15 000 miles - comparé à environ 14 % de son revenu en 1980.

3. L’évaluation des actions a déjà pris en compte plusieurs mauvaises nouvelles. L’indice mondial MSCI se négocie à 11,9 fois les bénéfices à terme - le plus bas niveau atteint depuis des décennies. Ceci donne des rendements réels (contraire des ratios c/b) de près de 8,5 % - ou plus du double du rendement d’une obligation du Trésor américain à 10 ans. Cette divergence dans les évaluations devrait aider à mitiger le risque lié aux actions, surtout pour les investisseurs à long terme qui sont en train d’analyser quelle catégorie d’actifs devrait enregistrer des résultats supérieurs au cours des cinq à 10 prochaines années. Malgré toutes ces incertitudes à long terme, la comparaison des évaluations favorise fortement les actions.”

Tetrem de Winnipeg

Daniel Bubis, Directeur des placements de Tetrem croit que la situation diffère de celle des années 70: “Le marché canadien a remonté vers de nouveaux sommets durant le trimestre, principalement grâce à son importante pondération dans les secteurs de l’énergie et des matières, qui ont tous les deux continué à profiter des prix toujours plus élevés des matières premières. Le secteur de l’énergie - qui est maintenant le poids lourd de l’indice composé S&P/TSX - a connu une forte hausse, tout comme le secteur des matières, alors que les services financiers sont restés plus ou moins inchangés. En général, l’importante exposition du Fonds aux titres énergétiques a contribué de façon positive au rendement, alors que l’absence des titres de fertilisants à la mode a nui au rendement relatif.

Au début de juillet, nous avons été témoin d’une autre hausse dans le prix du pétrole, qui est passé à plus de 140 $ le baril.

Les prix énergétiques plus élevés agissent comme taxes économiques, particulièrement auprès des consommateurs qui comptent pour une grosse partie des économies domestique et mondiale. Étant donné que le Canada est un exportateur net d’énergie, nous avons dans une certaine mesure profité des prix énergétiques plus élevés et le repli économique n’est pas aussi important que pour les États-Unis et les autres pays importateurs d’énergie.

L’économie mondiale s’ajuste et s’adapte aux prix plus élevés de l’énergie. Les consommateurs s’adaptent en consommant moins, mais l’ajustement prend du temps. Une période de ralentissement de la croissance économique est également prévue pour accompagner l’ajustement aux prix énergétiques plus élevés. Toutefois, une fois que les prix énergétiques plus élevés seront absorbés, une croissance économique normale se poursuivra. Cette croissance sera beaucoup plus durable d’une perspective environnementale, et beaucoup moins dépendante des cours volatils de l’hydrocarbure.

Ce mécanisme d’autocorrection demandera un certain temps avant de prendre effet. Entre-temps, selon nous les perspectives à l’égard des titres de l’énergie demeurent positives. Dans notre analyse, les évaluations du secteur escomptent le pétrole entre 75 $US et 85 $US le baril, ce qui signifie que, en règle générale, les titres possèdent une marge attrayante de sécurité. Si les prix de l’énergie devaient restés élevés, nous voyons une forte probabilité de révisions positives aux estimations de bénéfices, et un potentiel d’augmentation des évaluations. Nous maintenons une importante position dans les titres des services énergétiques tels que Precision Drilling, qui sont positionnés pour profiter des activités de forage de plus en plus importantes alors que les sociétés d’exploration et de production augmentent leurs budgets d’équipement.

À court terme, la hausse des prix du pétrole et de la nourriture ont fait grimper les craintes liées à l’inflation dans les économies émergentes. Par conséquent, les participants au marché ont commencé à baisser leurs attentes en matière de croissance économique mondiale pour les prix des actions de tout genre.

Bien que nous percevions l’inflation comme un risque, nous ne croyons pas que nous nous trouvions dans un environnement semblable à celui des années 1970. Selon nous, il est improbable que le monde développé connaisse une inflation. Nous croyons que les marchés émergents clés tireront les leçons qui s’imposent et accepteront que la croissance économique connaisse certaines difficultés à court terme dans le but de lutter contre l’inflation.

L’excellente réserve liquide de 10 % du Fonds de placements canadiens CI et son focus sur les placements de qualité supérieure à grande capitalisation et très liquides ont été positifs au cours des dernières baisses dans les cours boursiers.

Bien que les banques canadiennes occupent toujours une place importante dans le Fonds, leur pondération relative a chuté car nous avons réduit ces positions au cours des dernières reprises. Cette décision a été difficile à prendre étant donné leur solide positionnement compétitif et leurs rendements attrayants en dividendes. Toutefois, nous sommes conscients que les parts des banques se négocient toujours à des évaluations historiquement élevées comparativement aux évaluations d’institutions financières mondiales à un moment où l’économie canadienne semble s’adoucir et où le crédit se détériore. À court terme, la réduction s’est avérée avoir lieu au bon moment, car les prix ont baissé peu de temps après. La récente faiblesse des cours dans des sociétés comme CIBC a été particulièrement sévère et nous avons utilisé cette occasion pour augmenter graduellement notre position dans ce titre.

Si on regarde au-delà de l’incertitude qui nous attend au cours des six à neuf prochains mois, nous percevons de bonnes occasions dans les titres des banques canadiennes aux prix d’aujourd’hui.”


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