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Nii Ayikwei Parkes : Notre quelque part

Par Gangoueus @lareus
Nii Ayikwei Parkes : Notre quelque part
Disons-le. Je ne connais pas la littérature ghanéenne. Au niveau des auteurs africains d'expression anglaise que j’ai lus les romanciers nigérians se taillent la part du lion. Les soudanais, les zimbabwéens et les sud-africains suivent. Mon rapport avec le Ghana se résume à Mon billet d’avion pour l'Afrique de Maya Angelou, au best-seller No home de Yaa Gyasi et à Nii Ayikwei Parkes qui siégeait dans ma bibliothèque depuis 2014. Le lire en prenant mon billet d’avion pour le Ghana était une opportunité intéressante.
J’écrirai surement quelque chose sur ce séjour à Accra. J’aimerais juste dire que le tempo était juste formidable de commencer ce roman à cette période et de le terminer durant mon séjour. Lors de la publication de sa traduction française, ce roman avait reçu une très bonne réception dans l’espace francophone. Il a, entre autres, obtenu le Prix Mahogany 2014.
Ce roman commence comme un polar aux allures de roman fantastique. La maîtresse d’un ministre demande de s’arrêter sur le bord d’une route de campagne et suivant un bel oiseau bleu, elle arrive dans un village. Elle entre dans l’une des cases, passant devant un vieux chasseur, Pokou Opanyin. Ce qu’elle découvre dans cette case est innommable. Au sens propre. Une unité de police est dépêchée depuis Accra pour enquêter. L’affaire est montée très haut. Le ministre souhaite que l’affaire soit éclaircie et certains officiers y voient la possibilité d’une promotion. Les méthodes de la police sont peu courtoises voire rugueuses. Et les villageois refusent de collaborer. L’enquête piétine.

Le cas Kayo

Kayo travaille dans un laboratoire d'analyses médicales. Ce jeune cadre ghanéen formé en Angleterre à la médecine légale est réquisitionné par la police ghanéenne. Il doit mettre manu militari  ses compétences au service de l’enquête sous peine de représailles. D’ailleurs, Nii Ayikwei Parkes, dans cette phase du roman où il décrit Kayo avec ses frustrations, son intime, sa bande de potes, il nous livre son regard sur ce jeune cadre qui travaille sous l’autorité d’un patron mercantile, Nii Ayikwei Parkes disais-je est très intéressant. Tout est très hiérarchisé entre ces hommes et les rapports de force sont disproportionnés. Il faut faire patte blanche et ne pas sortir du cadre assigné par l'autorité. Kayo subit cette réalité et il est confronté à l’absurdité de voir deux autorités se battre ses services. On constate qu’il n’a pas de choix. Il doit servir l’autorité la plus violente.

Confrontation entre deux fictions

Kayo arrive sur le terrain avec Garba, l’agent de police qui lui est affecté. Les délais sont courts. Le « diplômé » à la double culture capte tout de suite l’attention des vieux du village. Il connait les us et coutumes. Il ne vient pas imposer avec l’étiquette du pouvoir policier qui peut faire fi des convenances et des bons usages. Le chasseur Pokou Opanyin et le féticheur Odorou décide alors de collaborer, à leur manière…
Cette phase du roman est très intéressante. Mais elle peut désarçonner le lecteur qui a entrevu un polar en abordant les premières lignes. Car en fait, la forme n’est pas classique. Et surtout, il y a quelque chose qui est intéressant. La vérité sur le crime n’est pas l’élément premier recherché par les protagonistes - excepté Kayo. Deux mondes s’affrontent. Avec le désir qu’une histoire soit admise et satisfaisante en fonction de leurs intérêts respectifs : que le village soit préservé, que l’enquête ait un dénouement pouvant servir à la promotion d’un officier.
La fiction sert un projet collectif ou personnel. Le chasseur Pokou Opanyin raconte donc l’histoire de Kakou Ananze, qui ressemble étrangement à celle deKofi Atta, le vieux du village chez qui on a trouvé la chose. Kofi Atta qui a disparu mais tout tourne autour de lui...
C’est un roman passionnant. Il faut prendre le temps de le lire. Les histoires de Pokou sont portées par l’esthétique des contes africains. Je retrouve là des formes de narration qui ne sont pas frontales, propre aux oralités africaines, à la gestion de situations complexes dans un contexte coutumier. On a l’impression de tourner en rond. Le conteur prend le temps de déployer son discours. Il pose un contexte aussi pour conter. Le vin de palme, une assemblée. On se demande si Kayo va faire la part des choses. Je vous laisse découvrir ce texte qui renvoie aussi aux Experts (CIS)  au Ghana.
Il question également et je devrais dire surtout d'amours, de colères et de folies se traduisant d'un homme qui s'est perdu. Maltraitance. Une histoire fascinante, terrifiante dont le dénouement vaut bien plusieurs polars classiques. Soyez ouverts.
Nii Ayikwei Parkes, Notre quelque part
Editions Zulma, 270 pages, traduit de l'anglais par Sika Fakambi, 2014

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