Voici un album dans lequel je ne croyais absolument pas. À la découverte du premier extrait « Small spaces » bien avant sa sortie, je n’avais pas aimé, ni même compris. Et une fois l’album en main, certes, j’ai trouvé la pochette plutôt bien, mais les titres m’ont vite fait un peu peur. Celui de l’album et la quatrième chanson par exemple : When I Shoot At You With Arrows, I Will Shoot To Destroy You… Vraiment difficile de faire plus éloquent comme thématique !!!
Et puis presque tout le reste de la liste de chansons ne dépareille pas : « I am looking for the truth, not a knife in the back », « The sleep of the damned », « My blood will call out to you from the ground », « The skulls of Christ »… Quelle noirceur, quel pessimisme, quelle… morbidité !
Tout cela parce que son créateur est, sans surprise, un esprit on-ne-peut-plus tourmenté. En effet, à moins d’être dans le second degré, il faut l’être un minimum, notamment pour s’affubler d’un groupe baptisé pour l’occasion the Musicians of the Apocalypse ! Lui, qui a connu les drogues, les accidents graves dont un de voiture, la prison, l’hôpital psychiatrique… Une vie à côtoyer des gens fous ou bizarres…
Mais la mort est aussi, ici, synonyme de renaissance, avec tout ce que cela implique de mystique, Micah P. Hinson évoquant l’histoire de Saint Jacques et de la ville de Saint-Jacques de Compostelle où il vécut, et ses 24 musiciens, qui attendent depuis plus de huit siècles de pouvoir apporter et l’Enfer et le Paradis sur Terre… Intellectuel et glauque, sacrée ambiance !
Au milieu de ce contexte assez complexe, il y a une œuvre, avec ses sept chansons. Trois titres de trois minutes, trois de six minutes, et un de neuf minutes pour un final tout à fait prophétique. Musicalement, l’album se révèle étonnamment plaisant et moins glauque que prévu (les paroles demeurent sans concession), avec des moments presque joyeux (« The sleep of the damned ») et d’autres qui apparaissent finalement comme des confessions à ciel ouvert (« When I shoot at you… »).
Au final, cet album s’écoute sans difficulté et deviendra à mon goût bien plus agréable au fur et à mesure que son contexte se dissipera. Nulle doute que Micah P. Hinson ne cherche pas à plaire à quiconque. Mais il ne cherche pas non plus à déplaire, à faire peur, à provoquer ; il s’ouvre, simplement, tel qu’il est, lui, homme avec sa vie finalement bien plus commune qu’on ne veut l’avouer. Il se confesse, se confie, s’ouvre à nous, avec humanité. Il ne s’apitoie pas, accepte ses émotions, qui ressurgisse dans sa musique.
Il a créé ce qui s’appelle une œuvre d’art musical, avec ce qu’il faut pour interpeller et pour repousser à la fois. La seule question : allez-vous vous arrêter devant son œuvre ou passer devant en en préférant une autre ? Ainsi, que l’on aime ou non, c’est un indubitablement un disque réussi. Sinon, croyez-vous que je me serais donné la peine d’écrire ses quelques lignes et, surtout, de l’écouter ?
(in heepro.wordpress.com, le 29/10/2018)
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