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Henri Michaux – Homme-bombe

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Henri Michaux – Homme-bombeNon, je n’ai pas d’usine, je n’ai pas d’outils. Je suis un des rares hommes-bombes. Je dis rares, car s’il en est d’autres, que ne l’ont-ils déclaré un jour ? Il est vrai, il demeure possible qu’il y en ait eu. Nous sommes obligés à quelque prudence.
« Éclater, ça peut être dangereux, un jour », pense le public.
Après tuer, les caresses. « Qu’il dit, pense le public, mais s’il demeure dans le tuer, s’il s’enfonce dans le tuer, s’il réalise enfin le tuer » et le public, toujours magistrat en son âme simple, s’apprête à nous faire condamner.
Mais il est temps de me taire. J’en ai trop dit.
À écrire on s’expose décidément à l’excès.
Un mot de plus, je culbutais dans la vérité.
D’ailleurs je ne tue plus. Tout lasse. Encore une époque de ma vie de finie. Maintenant, je vais peindre, c’est beau les couleurs, quand ça sort du tube, et parfois encore quelque temps après. C’est comme du sang.

*

Man-Bomb

No, I’ve no factory, no tools. I’m one of those rare man-bombs. I say rare because if there are others why haven’t they made themselves known? True, there may well have been others. We have to exercise some caution.
« Exploding could get dangerous some day, » thinks the public.
After killing, caresses. « So he says, » thinks the public, « but if he remains in the slaughter, if he sinks into the slaughter, if it moves him finally to slaughter » and the public, always the judge in its simple soul, is ready to condemn us.
But it’s time for me to stop talking. I’ve said too much.
Writing obviously leaves us much too exposed.
One word more and I’d tumble into truth.
Anyway, I’ve stopped slaughtering. Tired of it. One more period of my life that’s over. Now, I’m going to paint, they’re beautiful, colors, when they come out of the tube, and sometimes, even for a while after. It’s like blood.

***

Henri Michaux (1899-1984)Liberté d’action (1945) – La vie dans les plis

(Gallimard, 1949) – Life in the Folds
(Wakefield Press , 2011)
– Translated by Darren Jackson.


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