À l'affiche de KAOS, deux légendes urbaines très prolifiques par les temps qui courent, Roc Marciano (Flipmode Squad, The UN) et DJ Muggs (Cypress Hill, Soul Assassins). L'une des plumes les plus noires de New-York et le plus Eastcoast et sombre des producteurs de l'ouest, réunis ensemble pour semer le chaos dans les rues. Plus underground en 2018, tu meurs.
Il est évident que Roc Marciano et DJ Muggs ont des atomes crochus, étant chacun des professionnels de l'assassinat très recherchés et réputés pour tenir leurs contrats. Des serviteurs des ténèbres dans une autre dimension. Pas étonnant que KAOS ait suscité un relatif engouement. En guise de présentation, un thème façon film blaxploitation à mi-chemin entre " Papa Was a Rolling Stone " et la musique de Shaft par Isaac Hayes. On est bien dans la musique de film car en réalité KAOS est la bande-son d'un film du même nom, avec Marcy et Muggs à l'écran, programmé pour le Printemps 2019. C'est l'info à retenir. Donc ça n'a rien d'un hasard ou d'une lubie artistique, ça annonce quelque chose de plus gros. Sur les neuf morceaux suivants, format de plus en plus adopté actuellement, il semble évident que nos deux compères étaient faits l'un pour l'autre. Le mode de fonctionnement de DJ Muggs et son style ténébreux s'accommode aisément au noir-rap de Roc Marcy. La patte de Muggs est clairement là, et ce n'est pas une patte de chien, plutôt une grosse patte d'ours. En sorcier qu'il est, le producteur des Cypress Hill fait souffler le chaud et le froid, avec ses discrets samples de voix plaintives et fantômatiques, ambiance rock voire gothique (" Aunt Bonnie " met un pied dans l'horrifique) ou des boucles de soul plus fraiches que nature.
Les deux gaillards restent fidèles à eux-mêmes et ça donne des joyaux tels que " E-Train " avec son côté seventies assumé et le single " Shit I'm On" , avec un sample downtempo bien laid-back qui ressemble à " Easy " de Lionel Richie ou chopé sur " Live and Let Die " de Paul McCartney. Mais ça doit être ni l'un ni l'autre à mon avis. On était en droit de s'attendre à une émulation plus probante entre Muggs et Roc Marciano, un sentiment en partie biaisé par le fait qu'on n'a pas encore digéré leurs derniers projets ( Elephants on Acid des Cypress Hill, Behold a Dark Horse, Dia del Asesinato...). mais ils marquent les esprits rien qu'avec ce titre : " Caught a Lick" . Alors qu'on l'entend trop souvent posé et patient, le rappeur scotche tout le monde sur place avec un trap flow ultra vicieux (si si !!!) tandis que Muggs prend des éléments trap (ambiance glaciale, grosses basses) pour la revisiter à sa façon, à savoir très dark. Il faut passer ce morceau en boucle pour y croire, mais doucement, vous risquerez d'en être accro. Le morceau de fin " Wormhole " est tout aussi démoniaque, ce titre ressemble à une très lente descente aux enfers dans un puits sans fond.
D'avoir été impliqué chacun de leur côté dans 3-4 projets en quelques mois n'a pas entamé leur capacité à créer des diamants noirs pour KAOS. Muggs et Roc Marciano ont fait le taf, ni plus ni moins. Moins grandiose que le sujet laissait prétendre, il reste au temps de répondre à la question suivante : culte ou pas?